♪ Nobody is Kung Fu Figthing ♪
Kung Fu, une des séries qui a bercée l'enfance de beaucoup d'entre nous. Pour la majorité c'est une production des 70's à peine acceptable qui sombre dans la médiocrité à maintes reprises par son côté kitch et ses histoires simplistes. Parmi ces derniers, quelques-uns reconnaissent néanmoins l'intelligence avec laquelle ils ont transposé la ségrégation raciale du 20ème siècle dans le Far West du 19ème. Certes, il est vrai que l'aspect social n'est pas en reste. Il est également intéressant de voir que les comportements n'ont pas tant changé aux fils des décennies. Ça reste quoi qu'on en dise une approche constructive, mais si on y regarde de plus près on constate que celle-ci est tellement dérisoire et anecdotique par rapport au message principal qu'on finit vite par la mettre à la place qu'elle mérite, c'est-à-dire comme un des multiples éléments qui caractérisent son sens profond.
Kwai Chang Caine est un prêtre Shaolin métisse, fils d'un père américain et d'une mère chinoise. Après avoir tué le neveu de l'empereur, pour fuir les autorités et connaître ses origines paternelles jusqu'alors inconnues, le jeune prêtre décide de rejoindre les Etats-Unis. Tout au long des 3 saisons que durera Kung Fu, nous suivrons ses pérégrinations dans ces contrées arides et inhospitalières. Voilà pour le pitch principal qui ne changera pas du début à la fin. En marge de cela, un facteur déterminant apportera ce qui a grandement contribué au succès et à la renommée de cette série télévisée. Je fais référence comme vous l'aurez deviné aux réminiscences du personnage principal qui, en fonction de la situation qu'il est en train de vivre, dévoilent les échanges qu'il entretenait avec ses maîtres au cours de son long apprentissage de l'enfance à l'âge adulte.
Ces discussions offrent pour une grande partie des téléspectateurs une touche orientale plaisante, desquelles ils ne soumettent généralement aucun effort d'abstraction afin d'assimiler leurs réelles significations, transmises il est vrai par un goût prononcé pour les paraboles. C'est d'ailleurs pour cela que nombre de fois, ces magnifiques scènes se sont faites parodier par des humoristes. Pensant que de toute façon personne n'avait compris ce « charabia », ils n'avaient donc qu'à pousser ces figures de style jusqu'à l'extrême. Je vous avouerai sans reproche que certaines m'ont bien fait marrer. Pourtant, si vous saviez ce que vous avez loupé à la base je suis convaincu que vous en auriez bien moins trouvé à rire.
En effet, s'il est un point essentiel de Kung Fu qui est à prendre à la mesure du traitement qu'il a demandé en amont, c'est son souci du détail par rapport à chacun des mots qui sont employés, aussi bien par Caine que par ses maîtres. Sur les 72 épisodes que comportent la série, si on se réfère au Tao et à la philosophie orientale à laquelle ils font référence et se déclarent messagers de par leur statut monacal, jamais, j'ai bien dit « JAMAIS » il n'y a eu un mot de trop, une incohérence, tout ce qui peut caractériser l'inconstance dont on fait preuve. Cette minutie et cette justesse de chaque instant ne se limitent pas seulement à leurs répliques, mais se vérifient aussi dans la formulation, dans leurs actes, dans leurs décisions, dans leurs postures, dans leurs sourires, dans leurs regards, mais aussi dans chacun de leurs silences... C'est bien simple, je n'ai pas eu une seule fois l'occasion de dénicher l'imperfection que j'aurais pu utiliser afin de dénigrer l'approche qu'ils ont des valeurs et de la vertu martiale.
Pourquoi une tel souci du détail ?
Même si dans l'absolu, s'évertuer à agir de la meilleure des façons devrait se suffire à elle-même, ça n'en est pas moins le vecteur idéal pour transmettre une vision globale de la vie, de l'amour qui fait effroyablement défauts à nos sociétés occidentales. En règle général, ceux qui me liront jusqu'ici ont déjà une idée personnelle de l'essence du message qui à chaque épisode est disséminée avec une subtile et logique ordonnance, de telle sorte qu'elle puisse nous accompagner le long de notre cheminement respectif. Chaque aventure que vit le héros n'a pas d'importance en tant que telle, mais dévoile sa véritable richesse par les enseignements qu'elle permet de mettre en exergue. De la même façon, tous les évènements qui ponctuent notre existence, qu'ils soient anodins ou qu'ils le soient moins, n'ont de sens qu'à travers la leçon qu'on aura pleinement assimilée à partir de ceux-ci. Ainsi, une fois cela compris, on parvient à relativiser avec discernement les défauts présupposés de cette œuvre majeure qui m'a aidée à me poser les bonnes questions pour agir au mieux en fonction de ce que j'étais. Cela, aussi bien par rapport au contexte qu'au degré de conscience des paramètres qui le composaient. Caine symbolise parfaitement ce vers quoi chacun d'entre nous devrait tendre, un être humain digne de ce nom. Du fait de ses conviction et de la limpidité de son esprit, c'est un personnage qui par son universalité autorise tout à chacun d'y voir un modèle pour aborder la vie avec un regard sain et vertueux sans qu'il nous soit inadéquat. Une fois la série achevée, portant avec recul un regard empreint de respect et gratitude, j'en viens à m'attrister des personnes qui le considèrent comme une grosse daube. Médire cette œuvre pleine d'amour, c'est comme piétiner et cracher sur Barberousse ou Andrei Roublev, au fond elles partagent toutes trois la même finalité, éveiller le cœur des hommes.
Alors oui !, les histoires propres à chaque épisode sont pour la plupart cuculs et soporifiques. Oui !, les combats sont mal chorégraphiés et insipides, c'est ce qui aurait pourtant dû vous diriger vers l'essentiel. Oui !, la réalisation est tout juste correcte et vieillotte. Non !, la série n'est pas aussi manichéenne qu'on veut bien le croire, et malgré cela, si vous persistez à toujours y voir la lutte entre le gentil et le méchant, c'est peut-être parce que vous aussi, vous êtes un saint homme qui s'oublie devant sa mission et ses devoirs, auquel cas je m'inclinerai avec plaisir devant vous...
En addition de cette critique, quoi de mieux pour l'illustrer qu'un extrait exceptionnel :
http://www.youtube.com/watch?v=NqsTrO62rVA
[Je voulais en marge du pavé du dessus revenir sur le choix de l'acteur principal. Pour la petite histoire, le personnage de Kwai Chang Caine imaginé par Bruce Lee devrait être interprété par le petit dragon lui-même. Pour des raisons (à la con) commerciales, les producteurs ont décidé de confier cette tâche à David Carradine, un américain bien de chez eux. Si on s'arrête sur ce constat, on ne peut en effet que pester contre cette discrimination sous-jacente dont la série paradoxalement s'attachait à montrer l'idiotie.
Cependant, dès le premier épisode il est évident que le rôle ne pouvait convenir qu'à son remplaçant. Indépendamment de cela, Bruce Lee dégageait une spontanéité, une énergie bien trop explosive et instable pour seoir à ce prêtre pacifist(e). Alors que le second, même si ses compétences techniques martiales étaient proches du néant, libère une aura de bienveillance époustouflante de sincérité et d'authenticité. J'ai ressenti à travers son jeu d'acteur, si jeu il y avait encore, toute l'humilité et la maîtrise d'un grand maître. De son regard, j'ai vue la même étincelle que celle présente dans les yeux d'un enfant s'émerveillant des miracles de la nature et de ceux que l'être humain en harmonie avec celle-ci est en mesure de susciter.
David Carradine à l'aube de sa carrière s'était plaint de son image médiatique qui ne se résumait en tout pour tout qu'au rôle de Caine, mais quel rôle ! et quelle prestation de sa part !. Dommage qu'il ne soit plus là, sinon je lui aurais rétorqué que son rôle a réellement dépassé le cadre de cette série et qu'il peut être fier d'y avoir contribué.Peut-être, au demeurant, n'était-il là que pour cette raison. M'enfin, allez savoir...]
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