Saison 1
San Francisco, la communauté homosexuelle, de nos jours. On pense à Queer as Folk, mais la nouvelle série HBO, aussi comparée à Girls, est pourtant bien différente de ces (honorables) influences. Pas de fil rouge, Looking construit effectivement davantage les relations entre ses personnages plutôt que leurs histoires respectives.
Lancinante, mélancolique, subjective, mais aussi très académique : avec cette atmosphère bleutée, ce regard proche mais objectif sur ses protagonistes, Looking s'admire d'abord par sa mise en scène. Si dans l'ensemble, cette dernière se révèle très classique, la qualité assez impressionnante de la photographie, du cadrage, de l'éclairage, confère à l'ensemble une identité visuelle très marquée. Chose bien moins présente dans la narration, peu originale et pas nécessairement hors du commun. C'est bien là la limite de Looking : si réussie techniquement soit-elle, on n'a jamais l'impression de regarder quelque chose de grand, de marquant, d'inoubliable. Plus une petite sucrerie sentimentale anecdotique mais appréciable, traitant - certes avec beaucoup de clichés - d'une communauté souvent reléguée au second plan à la télévision.
Le casting est très propre : si Jonathan Groff n'est pas toujours très crédible en candide gay bourgeois, le reste des acteurs - et principalement Murray Bartlett en pleine crise de la quarantaine - font un très bon boulot devant la caméra. Il faut dire que Lannan parvient à très bien capter les émotions et les caractères de ces différents visages, à les analyser sans les pousser trop loin à l'écran. Dans le genre subtile, c'est on ne peut plus accompli.
Intéressante mais peu courageuse, singulière mais peu originale, c'est autant de paradoxes qui composent cette première saison de Looking, bourrée de qualités dont on imagine difficilement comment elles pourront évoluer beaucoup plus à l'avenir. Cette fresque communautaire fascinante n'ennuie pas mais émeut très peu. A vrai dire on l'oubliera très vite, mais il est indéniable que ça passe le temps : reposer ses neurones trente minutes par semaine devant une dramédie sentimentale techniquement pas dégueulasse, c'est une offre très généreuse de la part d'HBO. Même si on est habitué à mieux.
★★★★★☆☆☆☆☆
Saison 2
Si l’an passé Looking avait laissé une impression plus que mitigée, aucun doute que cette deuxième saison lui est en tout point supérieure. Dès les premiers épisodes, on sent qu’il s’est passé quelque chose dans l’esprit de l’équipe créative : plutôt que de bêtement se contenter de dépeindre les mœurs et les codes du microcosme homosexuel de San Francisco, Michael Lannan donne à sa série une porte plus universelle, plus générale, plus intelligente et qui arrive ainsi à balayer un public bien plus large.
On passe d’une réflexion sur la vie de couple et la conception du mariage, à un témoignage de l’acceptation d’une minorité, en passant par la crainte des MST et les blessures du temps. Sans jamais paraître niaise ou exubérante dans ses effets, Looking est une sublime poésie bleutée sur le rythme du quotidien. Tout sonne juste, et c’est dans ce cycle d’émotions incessant que Lannan parvient à renouveler notre intérêt chaque semaine, explorant avec une sensibilité impressionnante cette tragédie sentimentale aussi passionnante qu’attachante. Car là est aussi le cœur de l’inattendu renouveau d’intérêt pour Looking : ses personnages. Tous évoluent, les cicatrices se multiplient, leurs destins se croisent et c’est sans prévenir que l’on finit par les comprendre et les soutenir. Une cohérence remarquable écrit les pages peu à peu les pages de leur vie fictionnelle, et ils n’en deviennent que plus humains.
Mais ce qui fait encore et toujours la grandeur de Looking c’est la qualité hallucinante de sa mise en scène – tons bleus, ambiance océan, photographie tout en contrastes qui inscrit des plans sublimes sur la rétine de spectateur – des cadres magnifiques et inoubliables qui finissent par hanter le subconscient et renforcer l'identité si particulière de la série.
Looking, deuxième acte, surprend, et ce dans le très bon sens. On reprochait à la série une certaine froideur par le passé, mais ce n’est plus du tout le cas. Touchante, réfléchie, esthétique et surtout très marginale dans le paysage télévisuel actuel. Malgré des audiences anémiques et une fanbase de niche, Looking inscrit sans aucun doute possible son nom parmi les plus belles surprises de cette saison – il n’y a plus qu’à espérer que l’aventure se poursuive l’an prochain. Excellent.
★★★★★★★★☆☆