Davantage reconnu pour son travail sur grand écran, réalisateur d'une grosse poignée de long-métrages de cinéma, dont la plupart ont d'ailleurs connu un joli succès ("The 40 years-old-virgin", "Knocked up", "It's 40"), sans compter les nombreux films sortis de ses studios de production, à l'image de "Superbad", "Walk Hard: The Dewey Cox Story", "Forgetting Sarah Marshall" ou encore les deux volets de "Ron Burgundy", l'américain Judd Apatow demeure néanmoins présent sur le média télévisuel depuis le début de sa carrière.
Producteur notamment de la série culte "Freaks & Geeks" en 1999, mais aussi impliqué, plus récemment, dans le scénario et la production de "Girls", Apatow présente désormais sa nouvelle création télévisuelle sur Netflix, sobrement intitulée "Love".
Reprenant la tonalité tendrement cynique et cruellement sentimentale qui constitue sa marque de fabrique, Apatow choisit comme personnages principaux deux trentenaires losers, aux prises avec les difficultés traditionnelles de la quête existentielle et de la vie de couple, à l'heure des réseaux sociaux et de l'individualisme triomphant.
Gus est une sorte de geek brillant à tendance obsessionnelle, tandis que Mickey est une jolie jeune femme en apparence indépendante, mais surtout addict à la jouissance immédiate (depuis l'alcool et les drogues jusqu'aux relations sexuelles sans lendemain) : ces deux là paraissent aussi différents qu'on puisse l'imaginer, mais leur rencontre au petit matin dans une station service va pourtant provoquer une série de réactions inattendues...
A l'heure du bilan de cette première saison de "Love", on peine à expliquer pourquoi ces 10 épisodes initiaux s'apparentent à une réussite : en effet, la série ne s'avère ni hilarante, ni captivante, guère émouvante non plus, et l'ensemble apparaît même souvent brouillon voire foutraque.
Pourtant, on suit avec plaisir le quotidien assez banal de ces deux anti-héros, dont l'atout principal consiste à nous ressembler, nous-autres téléspectateurs, facilitant ainsi l'identification et l'empathie ressentie à l'égard de ces personnages.
Les deux comédiens principaux sont évidemment au cœur de cette réussite, notamment Gillian Jacobs ("Community") de mon point de vue, qui incarne avec une authenticité remarquable un personnage fragile et manipulateur, pour lequel on ressent très vite une forme d'affection, en dépit des ses défauts.
Paul Rust, l'interprète de Gus (également crédité comme auteur de la série), ne démérite pas non plus, loin s'en faut, même s'il impressionne moins que sa partenaire à mes yeux.
Quoi qu'il en soit, ce duo totalement improbable au départ finit par nous convaincre de leur attirance réciproque, "Love" reposant énormément sur l'alchimie de son duo central.
L'occasion de regretter peut-être le manque de développement des personnage secondaires, en dépit de l'apparition ponctuelle de protagonistes intéressants, à commencer par la jeune colocataire australienne Bertie, jouée avec conviction par l'inconnue Claudia O'Doherty.
Pour conclure, je signalerais que le format d'une série brève de 30 petites minutes convient particulièrement bien aux délires singuliers de Judd Apatow, dont les longs-métrages ne m'ont jamais pleinement emballé, au-delà d'une certaine curiosité bienveillante.
Par conséquent, la série "Love" m'aura davantage séduite que la plupart des films du réalisateur américain, qui se révélaient souvent un peu trop longs et bavards ; alors que dans cette sitcom humoristique et sentimentale, l'ami Apatow trouve le cadre idéal pour s'interroger avec drôlerie et pertinence sur la cruauté des rapports humains et sur l'état parfois déliquescent du couple moderne.
Je recommande donc cette série aux amateurs d'humour décalé et d'authenticité, d'autant que cette première saison ne dure que 5 petites heures, même si certains seront immanquablement déçus par le peu d'envergure du projet, qui se contente le plus souvent de décrire le quotidien déjanté de deux trentenaires 2.0 en mal d'amour et de certitudes.