Pour parler de cette série, il faut d’abord revenir sur Ayakashi : Japanese Classic Horror, sorti en 2006. Cette anthologie, en trois arcs indépendants (et réalisateurs différents), nous racontait des histoires issues du folklore japonais. Le succès du dernier arc "Bakeneko" lui a valu la production d’un spin-off, qui sera donc : Mononoke.
En effet, la série ne manque pas d’originalité. Tout d’abord par son personnage principal, l’apothicaire (le kusuriuri), dont on ne sait pas grand-chose à part qu’il consacre sa vie à chasser les mononoke (synonyme de yōkai), sorte d’esprits vengeurs qui hantent notre monde. Ce héro mutique qui parle en syllabes n’a même pas de nom, mais ce qu’il dit est toujours pertinent. Cependant, ce qui frappe en premier lieu dans cet anime, c’est son design et son univers visuel incomparable. Une belle claque esthétique ! Les images s’inspirent en grande partie des estampes japonaises (ukiyo-e) pour retranscrire le côté historique de ces croyances populaires. De fait, les décors sont superbes et une explosion de couleurs chatouille nos rétines. Les superpositions d’images et les expérimentations graphiques se marient à merveille avec un aspect artistique indéniable, influencé notamment par Klimt et les classiques du kabuki. Il faut peut-être un peu de temps pour entrer dans l’univers de Mononoke, mais quand on y est tout devient merveilleux. Malgré l’ambiance sombre des histoires qui nous sont contées (en cinq arcs indépendants), la série nous plonge dans des fables fantastiques qui transmettent un pan de la culture nippone. Quelques petites touches d’humour parsemées ici et là dans cet univers horrifique parviennent tout de même à alléger l’atmosphère.
Il faut avouer que les tableaux qui sont dépeints dans Mononoke ne sont pas très gais. C’est pourtant un vrai plaisir que de suivre le déroulement de chaque histoire pour en découvrir la Forme (Katachi), la Vérité (Makoto) et la Raison (Kotowari) dont l’apothicaire a besoin pour purifier les mononoke. On se laisse entraîner par une réalisation excellente et une animation exceptionnelle dans cet hommage aux tragédies qui peuplent la mythologie japonaise. Si l’on est un minimum intéressé par cette culture, l’anime est un régal culturel à l'ambiance sublime. Principalement à travers la période Edo, le voyage vaut vraiment le détour : que ce soit dans l’auberge de "Zashiki-warashi", sur le bateau de "Umibōzu", avec les illusions masquées de "Noppera-bō" ou dans le train de "Bakeneko". Mais mon préféré est sans conteste la maison d’encens (fuenokouji) de "Nue" qui offre une ambiance terne et grisâtre tout en prenant des couleurs vives à des moments précis, pour des sensations visuelles captivantes. En prime, le charisme de l’apothicaire (lui) habite chacune de ses apparitions et le mystère qui plane sur lui crée certes une certaine frustration, mais je pense que c’est par conséquent l’histoire des mononoke qui est ici importante. Le montage un peu farfelu peut parfois se révéler déroutant, mais on ne perd jamais le fil de l’histoire, aidé par des flash-back réussis qui lèvent le voile, en général, sur les raisons de la "malédiction".
Je dois admettre que j’ai eu un peu de mal au début avec l’arc original de Ayakashi, mais à la fin de l’épisode j’en voulais encore de cet univers multicolore qui aura tendance à secouer ce qu’on connait du monde de l’animation. Mononoke est une petite œuvre expérimentale qui mérite d’être connue. Une expérience unique !