La saison 2 de l'anthologie Monsters met au placard l'extraordinaireté de la vie de Jeffrey Dahmer et se concentre dans ce deuxième volet sur l’affaire Menendez, une des plus célèbres affaires criminelles américaines des années 90, où deux frères, Lyle et Erik, sont accusés d'avoir assassiné leurs parents à coups de fusil à pompe. La série plonge donc dans les secrets les plus sombres d’une famille apparemment parfaite. En prenant des risques narratifs et en restant fidèle à l’ambiguïté qui entoure cette affaire, comme Dhamer, la saison 2 réussit à offrir bien plus qu’une simple reconstitution de faits divers. Certes Dahmer profitait de l'élan sensationnel qu'offre la vie du célèbre cannibale jusqu'à sa fin dramatique, là ou Menendez se concentre sur l'aspect courtroom drama et sur les ambiguités tristement célèbres de l'histoire de ses deux anti-heros.

Anti-héros n'est pas utilisé ici à la légère, les performances des trois acteurs principaux, Bardem Chavez et Koch, est la pierre angulaire de cette série. Lyle et Erik Menendez sont incarnés avec une justesse qui va au-delà des simples archétypes du tueur froid ou de la victime en quête de justice. Les acteurs apportent une intensité palpable, que ce soit dans leurs moments de doute, de colère, ou même de désespoir, francs ou simulés. Lyle, l’aîné, est souvent vu comme le plus dominant et calculateur, mais la série, grâce à une performance nuancée, le présente aussi comme une figure tragique, un homme brisé par son propre égo, brisé sous le poids de la responsabilité familiale imposée, compensant ce manque par un machisme et une démesure parfois absurde. si Erik, plus sensible et émotionnel, est interprété avec une vulnérabilité déchirante, la performance encore une fois permet de souligner également son aspect victimaire, très enclin à lâcher la larmichette pour petit à petit dévoiler son côté cerveau de l'affaire, obsessionnel, homosexuel refoulé et at times vraiment inquiétant. Les moments de fragilité des deux frères sont essentiels pour comprendre les ressorts psychologiques derrière leurs actions, leurs soutien mutuel sans faille et réellement touchant, et on s'inquiétera d'être de leurs côtés lors de nombreuses scènes comme le témoignage de Lyle, l'épisode centré sur Erik prenant la forme d'une réelle confession avec seuleument un plan fixe et j'en passe, mais aussi à être profondément impacté lors de leurs brouilles, leurs échecs absurdes scellant petit à petit leur propre sort. La capacité des acteurs à rendre ces personnages à la fois sympathiques et terrifiants donne une vraie profondeur à l’histoire, évitant le piège de la caricature facile et de la moralisation, et c'est réellement ce qui fait la force de cette anthologie, étant parvenue au même résultat avec Dahmer. Une présentation nuancé qui ne fait pas dans le parti-pris des vies de ces psychopathes, sociopathes ou... enfants violés?

Le scénario se distingue par sa maîtrise de l’ambiguïté morale, un élément rare dans les œuvres true crime où le coupable est souvent clairement identifié, sinon condamné moralement. Ici, les scénaristes prennent soin de ne jamais trancher complètement sur la question de la culpabilité morale des frères. La série joue habilement avec les faits : les abus sexuels et psychologiques dont ils auraient été victimes sont montrés non pas comme une justification mais comme une clé pour comprendre leur acte. Aussi, les témoignages des autres personnages gravitant autour de la famille Menendez sont pour la plupart, réellement mis en scène, qu'ils soient mensonges ou vérités, aidant à perdre les spectateurs dans leur propre interprétation de l'affaire. Jamais la série ne force la main, elle n’absout pas, elle ne condamne pas non plus. Cette approche, qui laisse au public la liberté de se faire sa propre opinion rappelle ce que l'on peut faire d'excellent avec le style courtroom drama. La mise en scène, sobre mais percutante, évite de tomber dans le sensationnalisme facile, un écueil fréquent dans les reconstitutions de crimes célèbres. On notera le rôle du père Menendez, interprété par l'excellent Javier Bardem, vraie figure sombre habituée aux actes les plus douteux et avérés comme prendre des douches avec ses fils adolescents et on reverra dans nos cauchemars la scène avec la couronne de laurier qui dévoile les penchants homosexuels, dominateurs, apportant une logique malsaine de camaraderie, de succès, évoquant la place de l'homme dans la société et la meilleure façon d'éduquer des fils, au beau milieu des actes d'une dépravation presque condamnable de ce père de famille, lui même abusé par sa mère enfant. Les scènes de procès sont particulièrement bien réalisées avec tous les éléments nécessaires à la réussite d'un tel arc narratif, tension palpable, économie de gestes, dialogues souvent simples mais ciselés, mis en valeur donc par cette réalisation qui sait quand s’effacer pour laisser parler les silences et les non-dits, extrêmement important en vue des thèmes de la série.

Ce traitement permet à la série de dépasser le simple fait divers et d’explorer des thèmes plus profonds : les dynamiques de pouvoir dans la famille, les abus (sexuels physiques ou morals) les secrets qui pourrissent, le mythe de la perfection à l'américaine, et les limites de la justice face à des situations moralement complexes. C’est ce regard nuancé, presque philosophique, qui donne à Monsters 2 une portée universelle tout en restant ancrée dans une affaire très spécifique. Les scènes domestiques, dans la maison familiale des Menendez, sont d’une oppressante intimité. Les caméras capturent la froideur des relations, les regards fuyants, les confrontations, les tensions sous-jacentes qui exploseront finalement de manière tragique. Et en vue de tous les éléments mis à disposition du spectateur, à la façon d'un juré, c'est à lui de condamner les frères Menendez au-delà de la présomption d'innocence, ce qui s'avère cruellement impossible et fini de sonner le glas sur nos systèmes judiciaires faillibles, en sachant qu'ils étaient à deux doigts de finir en chambre à gaz malgré les zones d'ombres qui pullulent dans leurs histoires. Peut être est-ce l'attachement que développe le spectateur envers ces figures sombres, ces anti-héros sociopathes qui pousse à de telle réflexions, mais on ne pourra s'empêcher de se réjouir de chacune de leur retrouvaille, et c'est la réelle subtilité de Monsters 2, on décèlera des réels comportements d'enfants abusés dans les choix de mis en scène, comme on retrouvera des réels comportements d'enfants pourri-gâtés prêts à tout pour l'oseille.

Cette mise en scène met aussi l'accent sur une reconstitution fidèle du début des années 90. Les créateurs font preuve d'une fidélité scrupuleuse aux détails, des décors aux costumes en passant par la musique. On retrouve les salons bourgeois typiques de l’époque, les voitures de luxe, les vêtements pastel etc. Les lieux, au delà de leurs aspects grandioses, kitschs, reconstitués à la perfection, deviennent des symboles de la fausse sécurité familiale. Ce décor ostensiblement parfait, cette maison de rêve, cette enfance dorée, ces parents blindés, sont tous les éléments qui viennent meubler cette tragédie.

La série n’est cependant pas exempte de défauts. Le rythme est beaucoup plus inégal que Dahmer, normal, quand on voit le sujet choisit beaucoup plus intimiste, beaucoup moins extraordinaire que l'histoire de Monsters 1. Certains épisodes s’enlisent dans des détails qui, s’ils apportent une dimension psychologique toujours intéressante, peuvent sembler redondants et ralentissent l’intrigue principale. Ce choix d’étirement narratif, bien que compréhensible dans une série qui cherche à explorer les recoins de l’histoire, peut frustrer un public habitué à des récits plus condensés.

En bref, Monsters 2 mise sur l’ambiguïté et la profondeur psychologique. Avec des performances d’acteurs extrêmement impressionnantes, un scénario riche et une mise en scène à la fois tendue et maîtrisée, la série dépasse largement la simple reconstitution des faits pour devenir une réflexion sur la famille, la vérité, les maltraitances et la justice. Malgré quelques lenteurs, elle s’impose comme un incontournable, à l'image de sa saison précédente, et on attend avec impatience la saison 3.

bloodborne
7
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le 25 sept. 2024

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