Mr. Robot est la série qui représente parfaitement le Zeitgeist d'une génération Y geek et définitivement tournée vers les réseaux sociaux. Déjà car la série de Sam Esgail utilise son vocable - et jargonne parfois un peu pour se la péter, sans doute - mais aussi car en présentant l'oligarchie des grands groupes plus puissants que des Etats comme l'ennemi et le hacking comme moyen de lutte, elle se fait la porte-parole d'une jeunesse techno-marxiste déboussolée, en quête de repères et d'idéaux (avec une référence pas vraiment masquée aux Anonymous).
Avec ses cadrages systématiquement décentrés, et ses contrechamps qui déconnectent les locuteurs et les inscrivent dans un grand vide, Mr Robot semble en effet dire quelque chose de la solitude contemporaine. A ce titre, que le héros principal """soit schizophrène""" semble dire quelque chose de l'état de délabrement de jeunes adultes qui ne savent plus bien pourquoi continuer à déambuler dans un monde froid et clinique.
Si Mr. Robot a de nombreuses vertus, il est cependant dommage qu'elle use donc de quelques effets qui détournent l'attention du cœur de son discours : ce twist, bien sûr, mais également l'usage très ado-rebelle de phrases définitives, notamment sorties de la bouche - ou des pensées, parfois dur à dire - d'Elliott, le geek autiste asocial qui pilote bien malgré lui tout ce fatras. Quitte à parfois s'adresser directement au spectateur, brisant à l'instar de House of Cards, le fameux 4ème mur de l'écran.
SAISON 2 :
Après un début un poil poussif - notamment en ce qui concerne la lutte interne et Elliott et Mr. Robot, qui prend de la place - la saison trouve en son milieu un bon équilibre entre action et scénario qui avance. Le temps de quelques séquences, les réalisateurs délaissent le parti pris du cadrage décentré et épousent un filmage subjectif : lorsqu'Angela pose le Femto Cell, ou encore lorsque la Dark Army attaque le FBI. Ces séquences sont donc d'autant plus prenantes qu'elles rompent avec la monotonie qui pouvait guetter la série, visuellement.
D'autres séquences m'auront marqué : notamment l'intro de l'épisode qui fait un clin d'oeil à Too Many Cooks et plonge Elliott dans un univers de sitcom. On comprend dès lors, à l'instar d'un délire Dickien, que toute réalité n'est que perception - ce que confirmera le twist de mi-saison, pas mal trouvé ( le fait qu'Elliott se soit créé un univers mental pour le protéger du fait qu'il est ... """en prison""").
La fin de saison, malheureusement, en abusant de montages alternés pour créer le suspense et de séquences au sens pour le moins mystérieux - quid de l'interrogatoire d'Angela, des détails de la phase 2, de la nature de l'usine que cherche absolument à protéger WhiteRose - finit par quelque peu laisser sur sa faim. D'autant plus que certains personnages, fatalement, intéressent un peu moins (Angela, notamment, qui part pourtant d'un doute quant à son futur, entre carriérisme dans E-corp et volonté de justice, mais dont l'absence d'émotion finit par glacer).
Sur le fond, la série enfonce le clou d'un délire parano / théorie du complot très tendance. On sent malgré tout, derrière la dénonciation de l'oligarchie personnifiée par la tentaculaire E-corp, poindre un soupçon de sinophobie.