Il y a plusieurs années, je suis allé au cinéma voir un film danois appelé Les Oubliés. J'en suis sorti anéanti, une (grosse) poussière dans l'oeil. J'en avais discuté avec un autre cinéphile qui m'avait répondu : "c'était sympa mais pas aussi dingue que tu le dis".
Le succès de ce long-métrage n'a malheureusement été que critique mais cette expérience, pour le thème abordé, l'interprétation des jeunes acteurs et le récit impitoyable, a laissé chez moi des traces durables.
Pour reprendre les codes de la plateforme Sens Critique, il me semble que la différence entre un 9 et un 10/10 n'a rien à voir avec la qualité de l'oeuvre proposée mais fait plutôt écho au trouble personnel engendré par celle-ci. Comme Les Oubliés, Olive Kitteridge s'inscrit dans cette deuxième catégorie.
Un jour, lors d'un repas familial, ma belle-mère m'a conseillé cette mini-série en quatre épisodes brillamment portée par Frances McDormand. Assez bien pour que je décide de l'ajouter dans une liste de souhaits virtuelle mais pas suffisamment pour que je m'y attelle.
Olive Kitteridge est une professeure proche de la retraite ainsi qu'une épouse et une mère de famille exigeantes. Elle est incapable de se remettre en question et semble aussi mesquine que psychorigide, peu aimante et possiblement violente.
Et je dois reconnaître que, durant mon adolescence, j'avais une image sensiblement similaire de ma belle-mère. Jusqu'à ce qu'elle reconnaisse avoir pleuré en découvrant ma haine adolescente à son endroit fièrement revendiquée dans une pitoyable publication sur mon Skyblog. J'ai pu constater depuis que derrière la marâtre des contes de Perrault, il y a une femme soucieuse de mon bonheur.
Olive Kitteridge est notre mère, notre belle-mère, notre professeure. Elle agit mal pour son fils mais bien selon elle. Elle veut le meilleur pour les siens mais ne parvient pas à le montrer. Elle a fait des choix de vie, en regrette certains et se déteste - elle et les autres - pour les erreurs qu'elle ne parvient pas à oublier. Elle n'est pas un modèle, au contraire. Elle est humaine.
Voilà ce que montre cette série, rien de plus. Pourtant, le temps passe à une vitesse folle. Le regard de la caméra est authentique, l'image un peu vieillie fait prédire des chocs générationnels. Tout est vrai et c'est bien triste. Heureusement, une pianiste, personnage très secondaire mais qui traverse les époques abordées, apporte une juste touche de fantaisie dans cette éprouvante réalité.
J'ai fini de regarder la série et j'ai téléphoné à ma belle-mère. Je lui ai demandé si elle se reconnaissait dans le rôle d'Olive Kitteridge. Elle a hésité et m'a dit que non. "Tant mieux", lui ai-je répondu ; je lui devais bien cela.