Quel agréable moment fût le visionnage de ce Shogun, moi qui pourtant, n'attendais rien d'une série produite par Disney. Après la purge d'Un problème à trois corps sur Netflix à l'écriture malheureuse, quel délice d'avoir enfin, en face de soi, un objet télévisuel un minimum intelligent, avec des protagonistes qui ne manquent pas de physionomie.
En préambule, je commencerai par affirmer que se loge dans l'œuvre de Justin Marks et Rachel Kondo, une forme de paradoxe, car en proposant un format court, celui de la mini-série Disney, le show américain fait pourtant une chose des plus intrigantes, celle de délivrer au spectateur un récit au rythme d'une extrême lenteur, à base de dialogues et non d'actions. Tous les enjeux dramatiques du récit passent uniquement par le conflit intérieur des personnages, teinté de politique. En ce sens-là, le traitement opéré par la série ressemble à peu ou prou, à celui exécuté par la saison 1 de GOT.
Il n'y aura en réalité aucune grande bataille dans Shogun au détriment du plaisir attendu d'un spectateur "grand public". Chaque conflit armée, chaque séquence d'action est immédiatement désamorcée en un fragment de second, par un simple coup de sabre ou une catastrophe naturelle.
L'épisode six viendra le démontrer en éteignant instantanément la rébellion, instiguée par le fils ingénu de Toranaga, par un immense tremblement de terre, détruisant incidemment toute l'armée du général.
Les show runners orientent le regard du spectateur non pas du côté du champ de bataille ou autre conflit armé, mais bien vers l'intérieur, dans le palais, là où se joue le véritable enjeu de la série. Dans Shogun, tout n'est qu'un jeu d'échec, de manipulation, de faux-semblants.
Le plan de Toranaga est mis à exécution à la fin de la série, sans aucune explosion, ni éraflure de sang, en toute tempérance. Il est à l'image du personnage lui-même : aussi sage que malicieux.
Si les quatre premiers épisodes donnent l'illusion au spectateur d'avoir en face de lui un récit dramatique montant crescendo, les six autres viendront totalement déconstruire ce schéma si prévisible :
le retour inattendu du mari de Mariko, la résignation saugrenu de Toranaga accompagnée de la mort poignante d'Hiromatsu, les trahisons incessantes du "barbare" John...
Il n'est pas question de dire ici qu'une série qui prendrait à contre-pied les attendus du spectateur serait forcément gage de qualité. Celle-ci mériterait le coup-œil uniquement, si ce contre-point est fait avec intelligence, parcimonie, et qu'il sert le propos de l'œuvre en question.
C'est le cas de l'œuvre télévisuelle de Marks et Kundo. Shogun est justement une série qui met au centre du cadre des personnages meurtris, déshonorés, dépossédés [et j'en passe et des meilleures]. N'est-ce pas justement la lenteur, l'introspection, et les dialogues qui permettent au mieux de capter et sonder les états d'âmes, les motivations, et les aspirations de tels personnages ? Avons-nous réellement besoin d'action pour ça ?
Je terminerai par dire, que non, la série n'est pas exempt de défauts, à commencer par les problèmes de langage qui posent de petits problèmes de cohérence. Je pourrais aussi évoquer les effets spéciaux, parfois très douteux, mention spéciale à la séquence de l'évocation de la victoire de Toranaga à Kashigi en fond vert immonde dans les derniers minutes de la série.
Mais ces vilains points, parviennent à être très rapidement oubliables compte tenu du contre-pied intelligent du show par rapport aux dernières sorties télévisuelles.
Bref, même si vous vous demandez où est passée l'action de la série, ne passez pas à côté de Shogun