« We're all just walking time bombs. »
Chaque épisode de Six Feet Under s’ouvre sur un décès. Une itération macabre, témoignage évident de la dimension sérielle de la fameuse série de HBO, n’étant pourtant jamais utilisée à des fins larmoyantes. Non, ces morts sont tragiques mais absurdes, excentriques mais tragiques. C’est bien là la ligne directrice de l’œuvre d’Alan Ball : s’intéresser à la vie par le prisme de la mort, réfléchir constamment à la grandeur et à la fragilité de l’existence.
Six Feet Under est une fresque. Une lente peinture de ses personnages, étalée sur cinq saisons et des dizaines d’heures d’épisodes. On passe d’un ennui poli à une admiration sans failles pour la subtilité d’écriture de la série. Car oui, le show a ses travers, ses défauts, des arcs scénaristiques moins fascinants que d’autres, mais qui au final se révèlent absolument nécessaires à la construction d’un ensemble d’une cohérence remarquable. On pourra être chaviré par la saison deux et agacé par la troisième, le sentiment, une fois le grandiose final terminé, sera le même.
On suit la famille Fisher tout ce temps, bousculée entre ses peines, ses craintes, mais aussi ses espoirs et ses moments de bonheur. Véritable pivot de toute la narration qui l’entoure, la galerie de personnages principaux est bel et bien le deuxième grand sujet de Six Feet Under. On complimente souvent les séries HBO pour ses protagonistes, pour cet aspect souvent choral où nombre de figures se croisent, se rencontrent, interagissent, s’aiment et se haïssent. Des seconds rôles mémorables aux héros auxquels on se lie d’amitié, c’est dans ce plan d’action qu’Alan Ball et son équipe excellent. Les interprètes, tous brillants, n’ont plus grand-chose à faire mais réalisent un formidable travail, il est ainsi difficile de voir à nouveau Michael C. Hall autrement qu’en croque-mort (bien plus qu’en serial killer).
Les pages se tournent une à une tandis que se rapproche la fin. La fin, vraiment ? Difficile à dire. Six Feet Under n’a pas de fin. L’empreinte qu’elle arrive à laisser en chacun de ses spectateurs est indélébile. Elle nous hantera encore et toujours, nous fera sans doute évoluer par la réflexion qu’elle propose. C’est en cela qu’elle est importante : plus que de simplement permettre une aventure émotionnelle à toute épreuve, Six Feet Under fait aussi grandir. De ce point de vue, elle est presque générationnelle, bien qu’immortelle, surement bien plus forte à vivre dans ses jeunes années. La vie n’est qu’une succession d’expériences, et Six Feet Under en est une. Plutôt que de laisser le temps s’écouler, inlassablement, sans aucun retour à arrière possible, il faut impérativement la goûter, la ressentir, la toucher : cette série portée au rang de mythe culturelle, véritable objet de fascination collective, de culte incassable, de vénération moderne.
Quand le message se transmet à l’environnement de l’œuvre elle-même, quand les personnages trouvent de multiples continuités dans l’esprit de chacun, quand l’universalité de son propos se mute en une intemporalité sensorielle.
Non, Six Feet Under n’est toujours pas morte.