Il y a des 10/10 de raison et des 10/10 de passion. Impossible de déterminer lequel des deux convient le mieux pour The Wire.
Avant de me lancer dans la série, je ne comprenais pas cet absurde graphique, phagocyté par la note parfaite, et relié à un show dont tout le monde vantait les mérites, du simple spectateur aux conférenciers d’Harvard, entre autres.
Après cinq saisons, je suis bien forcé de me rendre à l’évidence. C’est probablement la meilleure série possible, parfaite de fond en comble, inventive sur chaque scène, se renouvelant avec succès au fil des épisodes et des nouveaux personnages. A tel point qu’au son du générique de fin, je me suis demandé comment cela pouvait s’arrêter. C’était comme mettre Baltimore sur OFF pour toujours, en refermant ce grandiose tableau dressé par les réalisateurs de la série. Impossible et pourtant il faut bien se rendre à l’évidence.
Pour dire un mot rapide sur chacune des saisons. La première est sans doute la meilleure, entre fraicheur et routine dans la découverte de Baltimore et de la faune singulière qui y habite, prospère et tue. La deuxième est la plus ‘spéciale’, avec une intrigue en parallèle passionnante, avec comme seul regret l’absence de personnages cruciaux pour l’avenir de la série. La troisième, ‘Hamsterdam’ est excellente aussi. C’est vraiment à partir de celle-ci que j’ai commencé à saisir tout ce que la série impliquait, à commencer par l’ambiance à tomber qui en découle. Police usée, nouvelle recrudescence des gangs, politique du chiffre, nouveaux personnages charismatiques (toute la clique à Carcetti)… Bref, la série gagne en profondeur et en qualité, ce qui est fabuleux compte tenu de la barre déjà placée très haute par les deux premières saisons.
La quatrième est celle du meilleur générique, illustrant formidablement bien comment la ville de Baltimore coule inexorablement, entre la faillite du système scolaire, l’arrogance politicienne et l’incompétence policière. Enfin, la cinquième et ultime saison est celle qui m’a le moins convaincu. Les passages au Sun sont très réussis, c’est indéniable, à tel point qu’on regrette de ne pas avoir découvert Gus plus tôt. Mais toute l’intrigue autour du serial killer est mal ficelée et trop extravagante pour les sommets de qualité auxquels la série nous avait habitués. Il n’empêche que le final est saisissant d’émotions en tout genre, comme si se refermait l’une des plus grandes pages de l’histoire de la télévision.
The Wire est vraiment le tableau quasi parfait d’un système bloqué de bout en bout, soit par la magouille, soit par l’absence de moyens, soit par simple flemme de la part des acteurs qui le composent. On ne comprend vraiment cet aspect là qu’à partir de la saison 3. La première saison est encore dans les limites de ce qu’une série policière peut fournir, autour d’une enquête a priori banale mais qui parvient à nous tenir en haleine pendant de longs épisodes. Mais ce n’est vraiment qu’avec l’apparition de Colvin que la série prend une ampleur impressionnante et dresse un portrait habile de Baltimore dans son ensemble. Je me rappelle encore des frissons ressentis quand Bubbles ose s’aventurer la nuit dans Amsterdam, où l’anarchie règne à tous les coins de rue.
The Wire c’est aussi une fascination pour la ville, et pas seulement Baltimore, symbolisée plus que tout par Omar, gangster de dealers, personnage complexe de bout en bout, apportant un peu de fantaisie, d’irrationalité dans cette série qui est avant tout réaliste de fond en comble, rappelons-le. Les écoles, les commissariats, les rues désertes des quartiers sensibles, la mairie, le tribunal… Autant de lieux auxquels on s’est attaché, sans le savoir. Je ne suis même pas étonné que la série ait pu inspirer des urbanistes pour leurs travaux…
Je pense que cette critique pourrait être l’équivalent en taille d’une thèse tant il y aurait de choses à dire sur The Wire. Je préfère finir sur une bonne note : « Shiiiiiiiiiiiiiiit ».