Currents
7.2
Currents

Album de Tame Impala (2015)

Currents, sur courant alternatif ?

Lorsque le groupe australien Tame Impala sort le génialissime Lonerism en 2012, son leader (c’est peu de le dire) Kevin Parker ne s’attendait sûrement pas à un succès aussi retentissant ; les critiques comme le public ont adoubé le 2ème projet tout droit sorti de Perth , le citant régulièrement comme l’un des albums de l’année. Il faut dire qu’entre les productions psychédéliques à souhait faites de riffs de guitares planants, dont certains sentent pas mal le « Innerspeaker », premier album du groupe, la multiplication des reverbs de la voix de son homme à tout faire Kevin « Par Cœur » et surtout des tartines d’idées toutes aussi bonnes les unes que les autres, Tame Impala a conquis un large public qui n’attendait que la suite des événements.


Seulement, dans la vie d’un artiste, il y a le mot « vie », et Kevin Parker le sait mieux que quiconque ; la fin de sa relation amoureuse avec l’Aixoise Melody Prochet, dont l’excellent album Melody's Echo Chamber (de son nom de scène) était produit par Parker et sorti un mois avant Lonerism, le départ du bassiste Nick Allbrook et la multiplication des tournées du groupe, ont visiblement affectés l’artiste, qui a engagé un virage musical assez raide au moment de démarrer la production de Currents.


Sur ce nouveau projet aurait très bien pu figurer la célèbre phrase présente sur l’album The Final Cut de Pink Floyd sorti en 1983 « By Roger Waters performed by Pink Floyd » modifié en « By Kevin Parker performed by Tame Impala », car le leader du groupe, déjà omniprésent sur les deux premiers projets, a cette fois-ci décidé de tout faire lui-même : chants, écriture, instruments (tous sans exception), mix de l’album, TOUT, TOUT, TOUT !


Le changement amorcé est audible dès le premier extrait de l’album, Let It Happen, longue de plus de 7 minutes, (beaucoup) moins de guitares, et bien plus de synthés. Si évidemment le côté psychédélique reste présent, l’ambiance se veut plus froide qu’auparavant, et, chose assez inattendue, les reverbs vocaux qui rendaient quasiment incompréhensibles le contenu des textes de Parker, ont été réduits assez significativement, comme si l’artiste cette fois-ci voulait être entendu. Sur Yes I’m Changing, sur une production minimaliste, les textes, bien plus audibles, ne laissent pas de doute sur la volonté nouvelle de l’australien de faire passer un message « Yes I'm changing, can't stop it now, and even if I wanted, I wouldn't know how, another version of myself, I think I found, at last, and I can't always hide away.». C’est d’ailleurs très marquant sur ‘Cause I’m A Man « Once again, as it takes a hold, I am aware I'm not in control. You see, I have a conscience and it's never fooled, but it's prone to be overruled »


D’un point de vue de la production, ces deux titres sont d’ailleurs très marqués par ce virage musical plus pop voulu par Kevin Parker ; de longues nappes de synthés, des productions plus légères (dans le sens moins fourni en instruments). Déroutant pour les fans invétérés des deux premiers albums, mais cette nouvelle ligne est plutôt bien négociée par l’artiste, comme sur The Less I Know The Better, bien que certains autres titres de l’album soient moins réussis dans le même genre (Love/Paranoia ou New Person, Same Old Mistakes sont assez difficiles à suivre). Mais que ces fans ne s’inquiètent pas, le très bon Disciples par exemple nous ramène aux ambiances Innerspeaker, The Moment rappelle le très planant Why Won’t They Talk To Me sur Lonerism.


Cette nouvelle musicalité de Tame Impala est une réussite. Il est évidemment incomparable aux projets précédents d’un point de vue musical, mais il ne provoque pas le séisme ressenti avec Lonerism il y a 3 ans. Sans pour autant renier le psychédélique qui avait fait sa fortune, le groupe explore des sonorités plus pop, avec quelques clins d’œil aux ambiances des années 80, sans compter les textes plus personnels de Kevin Parker. Plus de légèreté sans tomber dans la facilité, plus personnel sans tomber dans l’introspection, Currents n’est ni l’album de la maturité, ou celui du changement, mais il sera peut-être celui du début de la carrière solo de Parker, en son nom propre.

Leeqdouglas
7
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le 13 oct. 2015

Critique lue 64 fois

Leeq Douglas

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