Lorsque sort le deuxième album d'Oasis, rien ne laissait prévoir qu'il deviendrait le classique que l'on sait, bien au contraire. Après un excellent premier album, le groupe a sorti le peu inspiré musicalement Some might say. Dommage car c'est un des textes les mieux écrits du groupe. A un discours thatchérien en mode Acceptez les sacrifices et un jour votre place au soleil viendra, Noel Gallagher répondait : le plus souvent, elle ne vient pas. La presse anglaise vient de fabriquer une rivalité Blur/Oasis pour vendre comme au bon vieux temps de Beatles vs Stones. Sud vs Nord. Les étudiants en art vs les prolos. Les sans histoires vs les frasques stoniennes. Le premier round du match est fixé au 14 août 1995, jour de sortie simultanée de singles des deux groupes. Mais au bon et kinksien Country House les Gallagher n'ont à opposer que le poussif boogie Roll with it. Les deux supporters de Manchester City vont cependant effectuer une remontée vertigineuse.
Le lennonien Don't look back in anger, la ballade Cast No Shadow, le très
La'sShe's Electric, ce Morning Glory recyclant The One I Love de R.E.M. pour en faire du grand Oasis, le planant Champagne Supernova... Beaucoup des nouveaux titres de ce deuxième album rivalisent avec un Supersonic et un Live Forever. Mais Wonderwall marquera le but décisif. Alors que les frangins se bagarrent pour savoir quelle chanson Noel chanterait, Liam choisit Wonderwall et laisse à Noel Don't look back in anger. Au-delà de sa mélodie entêtante, le morceau doit une partie de son impact à une orchestration minimaliste mixée façon Wall of sound. L'originalité du texte est de faire du mur le symbole de l'amour inconditionnel porté à un être là où dans le Rock il renvoie souvent à ce qu'il faut briser pour trouver la Liberté.
On n'est pas loin d'un autre standard du Nord de l'Angleterre: Dirty Old Town, qui faisait du mur le lieu de naissance d'une rencontre amoureuse au milieu de la grisaille industrielle. Il y a enfin le chant de Liam, arrogant et distant, très contemporain. Wonderwall va permettre à Oasis de devenir big dans le sens Elton John ou Rod Stewart du terme, à la maison et à l'extérieur. Liam a eu sans le savoir le nez creux de choisir ce qui allait devenir la chanson signature du groupe.
Le groupe perdra l'inspiration après ce triomphe tandis que Blur larguera les amarres de la Britpop pour trouver un second souffle artistique. Pas grave: aux yeux de la postérité, (What’s the Story) Morning Glory? aura fait d'Oasis le vainqueur de la rivalité et le symbole du Zeitgeist de l'Angleterre du milieu des années 1990.