Le bleu est une couleur chaude
7.4
Le bleu est une couleur chaude

Roman graphique de Jul' Maroh (2010)

Une histoire d'amour passionnelle (pas forcément ma tasse de thé) et une défense engagée de l'homosexualité féminine, autant dire que le "Bleu est une Couleur Chaude", en plus d'être un joli titre, s'embarque sur deux pentes très glissantes où le moindre excès fait vite tomber dans la niaiserie, la mièvrerie et le militantisme aveuglé. Pour un album de jeunesse, c'était pas gagné d'avance ...

Le cœur de ce livre c'est une véritable histoire d'amour, le vrai truc avec des sentiments, de la passion, du manque, de l'aveuglement, bref, tous ces trucs chiants qui me font fermer un bouquin au bout de dix pages. Mais si elles, Clémentine et Emma, en font trop, au point d'en être ridicules même (mais comment pourrait-il en être autrement ?), Julie Maroh, elle, reste juste et mesurée, pas un faux pas, si ce n'est peut-être la lettre que Clémentine laisse, un peu prétentieuse et pas tout à fait à la hauteur du discours, et elle réussit le tour de force d'ancrer cette histoire de cœur dans une réalité sociale subtile.

Une réalité qui est là par touche, par le biais des personnages secondaires surtout, les parents, les amis, les autre relations amoureuses, autant d'ancres qui sont là pour nous rappeler l'incompréhension des uns, l'engagement des autres, la violence de certains comportement aussi. Le tout sans jamais de réponses définitives, Julie Maroh raconte et montre, mais n'explique pas, elle ne fait la morale à personne, elle peint le bazar dans lequel s'imbrique les sentiments, la politique, le sexe, l'amitié, l'amour, et tout un tas d'autres trucs de la vie, par des aller-retours entre ce monde extérieur et ce qui se passe dans la tête de Clémentine, entre le passé et le présent.

Mais tout cela ne vient jamais éclipser la relation entre les jeunes filles, ni l'introspection de Clémentine, ses tortures intérieures, ses peurs, sa joie, son amour, qui restent le sujet central. Tout ces sentiments sont créés, et non pas illustrés j'insiste, par un dessin excellent. Tout y est, le trait, l'agencement, le jeu de couleur évidemment, qui créent tour à tour des moments tendres, tristes, vides (certaines planches à ce sujet sont saisissantes), naïfs, béats, joyeux, des instant de désir intense, et l'érotisme qui va avec bien sûr, avec style qui est déjà très personnel (sans révolutionner le genre) et agréable.

Un excellent premier album donc, qui montre déjà la très grande maturité de l'auteure, qui nous offre un volume juste et équilibré, qui touche une problématique sociale profonde tout en restant touchant, émouvant même (je suis vraiment en train de dire ça ?), un exercice très difficile sur lequel beaucoup se sont cassé les dents, mais où elle s'en sort avec l'arme des grand : la simplicité. A suivre donc, on l'espère !

Je vous invite d'ailleurs à suivre le blog de Julie Maroh : http://www.juliemaroh.com/ et vous invite par la même occasion à éviter ses interview qui sont tout à fait dispensables ...

Étienne_B
8
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le 1 août 2011

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Étienne_B

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