Un thriller cynique qui ne va pas très loin

Pourtant doublement récompensé au 70ème Festival de Cannes dans les catégories du meilleur scénario et de la meilleure interprétation masculine (à la grande stupéfaction de Joaquin Phoenix même qui était monté sur scène récupérer son prix chaussé de Converse noires), ce quatrième long-métrage (2017) de Lynne Ramsay s’avère très moyen.

Adapté du recueil de nouvelles de Jonathan Ames, You Were Never Really Here, paru en 2013, ce thriller dépeint la déchéance d’un vétéran de guerre nommé Joe, embarqué dans le sauvetage à hauts risques de la petite fille d’un sénateur retenue dans un réseau de prostitution et qui « va très vite se retrouver malgré lui dans une spirale de violence » (synopsis du film) : un scénario, certes, analogue au drame psychologique Taxi Driver (1976) de Martin Scorsese et qui, en ce sens, fait la part belle au prototype du vengeur urbain, mais qui souffre d’un grand manque d’acuité à plusieurs niveaux.

Tout d’abord, le mal-être de Joe n’est exprimé qu’à travers son corps entaillé, « sublimé » par de gros plans sales, ainsi que des flashbacks, hallucinations et apartés philosophiques pompeux. En effet, des répliques comme « Qu’est-ce que je fous ? », « Où allons-nous ? », sont répétées à tout bout de champs, histoire de bien montrer que le gars est écartelé entre le bien et le mal, ce qui saoule vite. Le plus ridicule, c’est qu'il est montré comme inarrêtable, que ce soit par la police (inexistante) que par de méchants costauds, ce qui n’est pas pour le rendre des plus crédible et bien construit.

Joaquin Phoenix est bon en ancien marine torturé mais ne brille pas comme à son habitude ; et croyez bien que ça me gêne d’admettre une chose pareille sachant que cet acteur, à l’instar de Leonardo DiCaprio, fait partie de ces acteurs de la génération X que je déifie depuis mon adolescence et dont je suis la carrière religieusement.

En fait, il m’apparaît juste bon car la réalisation bousille la crédibilité et la dignité de son personnage. Pire, l’originalité dont Lynne Ramsay tente de faire preuve dans ses plans et cadrages est gâchée par son besoin de transgression passéiste qui dégouline de partout et qui dessert l’ambition de son propos. En fait, le film aurait du s’intituler: Un barjo qui démantèle à lui tout seul un réseau de prostitution à l’aide d’un marteau à 16.99$ (cela aurait été plus honnête).

D’ailleurs, je dois dire que le marteau se démarque avec panache des autres seconds rôles désespérément plats. Oui, parce qu’entre les sénateurs ripoux, la figure de la pauvre mère, et celle de la petite Blanche à sauver, on peut dire que les clichés se portent bien.

En parallèle à cela, le film n’est pas en manque de références, à la Vierge Marie et à Hitchcock, entre autres. Les bruitages, chansons et musiques à base de basses sont plutôt corrects. Mais le dénouement, aussi attendu que mal fichu, m’a fait grincer des dents.

Du coup, comparer ce long-métrage qui semble inachevé (oui, on dirait qu’il manque des morceaux) à l’œuvre culte de Scorsese – ce que mettaient en avant les affiches promotionnelles du film - est une imposture ! C’est dommage parce que j’avais trouvé We Need to Talk about Kevin (2011) de cette réalisatrice pas mal avec son thème et son style visuel particulièrement âpre et anti-hollywoodien. Bref, ce coup-ci, la satisfaction n’a pas été au rendez-vous. Ce sera donc 5/10 pour A Beautiful Day.

MalaurieR
5
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le 21 juil. 2023

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