J'avais plutôt apprécié « La Nuée », précédent titre de Just Philippot, sans être totalement convaincu non plus. Je pourrais faire à peu près le même constat pour « Acide », même si le ressenti général est assez différent. Déjà, il est évident que les moyens sont ici plus importants (décors, casting, effets visuels...), le rythme un peu plus soutenu, sans doute plus « engagé » dans son propos concernant le réchauffement climatique, à défaut d'être réellement « politique ». Le réalisateur sait créer un univers singulier, oppressant, ménageant ses effets pour ne pas céder aux tics hollywoodiens, imaginant une vraie situation initiale, des personnages ayant une certaine épaisseur, un contexte familial... Il y a de bonnes idées, des scènes fortes
(la mort de la mère, et de telle façon : il fallait oser!),
des images puissantes, le réalisateur ne cédant jamais vraiment à la facilité ou à l'optimisme, à l'image de ce dénouement (trop) ouvert.
Oui, mais voilà : alors que les bases posées initialement semblaient très solides, celles-ci sont mises à mal par certaines faiblesses regrettables. Le son, d'abord : si la musique de Rob et son recours participent pleinement à l'atmosphère sombre, réussie de l'œuvre, je ne saurais dire s'il s'agit surtout des acteurs ayant un sérieux problème de diction ou un son mal maîtrisé : toujours est-il que je n'ai pas dû comprendre (au bas mot) 25% des répliques du film, mettant une fois de plus en cause la qualité de cette génération de comédiens, et ce alors que Guillaume Canet et Laetitia Dosch y trouvaient des rôles porteurs (notamment le premier). Ensuite, cette ambiance proche de « La Guerre des mondes » a beau faire son effet, il y a un fort déficit d'intérêt concernant les protagonistes, si bien que leur sort ne nous émeut pas plus que ça, ressenti d'autant plus étrange, donc, au vu des réels efforts initiaux pour les mettre en lumière
(et ce n'est pas l'attitude totalement irrationnelle de Selma dans les toutes dernières minutes qui changera la donne!).
Et puis il y a cette partie bizarre dans le dernier tiers,
chez cette voisine dont on comprend peu ou pas les motivations,
alors que son ambiguïté aurait dû offrir une tension, un malaise finalement peu présents. Enfin, et même si cela peut aussi apparaître comme une qualité dans sa suggestion, je trouve les pluies acides du titre beaucoup trop rares, auxquelles s'ajoute un découpage (notamment lors des scènes de foule) où l'on a bien du mal à distinguer l'action. Reste cette belle volonté du réalisateur de sortir le cinéma français de son conformisme, de sa paresse pour offrir un vrai film de genre, solidement et intelligemment ancré dans l'actualité sans le surligner à longueur de temps, mais nous laissant un peu sur notre faim, faute de voir (pour l'instant) Just Philippot passer un cap alors qu' « Acide » semblait être le projet idéal pour cela : espérons que la troisième sera la bonne.