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La Défaite vaut mieux qu'un triomphe coupable

Au départ, lorsque j'ai entendu que Costa-Gavras allait adapter les mémoires de Yanis Varoufakis, même en connaissant le CV du cinéaste, j'ai eu peur. Comment faire un bon film d'un livre parlant probablement à 90% d'économie ? Seulement, c'était à la fois mal connaître l'ouvrage de l'ancien ministre des Finances grec, comme cette capacité du réalisateur à transformer presque n'importe quel sujet politique en thriller haletant. Pourtant, la crise hellène, cela a beau être très intéressant, la retranscrire au cinéma : pas franchement évident. Mais d'emblée, le talent du réalisateur de « Z » saute aux yeux tant il sait nous plonger dans cet événement majeur du XXIème siècle comme peu en auraient été capables.


Très immersif, filmé avec beaucoup de densité, nous voici plongés au cœur d'une machine extrêmement complexe que l'on s'efforce de nous rendre le plus accessible possible, chose faite avec beaucoup d'habileté, de panache, chiffres et pourcentages sans doute exceptés, d'autant que cette notion est également intégrée dans le scénario. Allers-retours incessants, négociations sans fin, Union Européenne et banques sourdes à toute proposition un tant soit peu divergente à leur politique économique ultra-libérale... Oui, sur la durée c'est un peu répétitif, voire légèrement longuet, mais c'est malheureusement assez logique au vu du système de fonctionnement européen et des pérégrinations de notre héros.


D'ailleurs, contrairement à ce que l'on a si souvent pu lire, Varoufakis n'est pas un extrémiste, encore moins un homme refusant tout compromis, au contraire : juste plus intègre, ne voulant pas tout céder à des dirigeants n'en ayant plus grand-chose à faire du peuple depuis longtemps. Cela pourrait être caricatural, ça ne l'est jamais : il y a toujours un moment où chaque personnage fait preuve d'un minimum de complexité, voire d'humanité. Et si le parti pris de Costa-Gavras est évident, manifestement très remonté contre cette Europe du fric qu'il ne supporte plus, comment vraiment lui donner tort ? Trouvant un bel équilibre afin de rendre le récit le plus dynamique possible tout en restant constamment proche des événements, le cinéaste filme un traquenard, un piège dont la seule issue possible est de se conforter au diktat, notamment allemand.


Brillante interprétation (avec un léger bémol sur les français, hormis une brève et très convaincante « apparition » d'Emmanuel Macron!), l'ultra-charismatique Christos Loulis campant un formidable ministre de l'Économie, bien secondé notamment par Alexandros Bourdoumis et surtout l'excellent Daan Schuurmans en Président de l'Eurogroupe. Le retour du Costa qu'on aime, ce cinéaste de combat qui, sans retrouver la maestria de ses chefs-d'œuvre passés, signe une réussite qu'il aurait été difficile de faire plus grande au vu du sujet : s'il venait à tirer sa référence sur ce « Adults in the Room », ce sera la tête haute.

Caine78
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le 24 nov. 2019

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