Connu de beaucoup pour "Le Petit Lieutenant" où "Des Hommes et des Dieux", Xavier Beauvois (dont j'ai absolument manqué tous ses films depuis 2010) aborde ce problème comme toujours d'un point de vue extrêmement humain. La première heure du film est une grande réussite, tant il prend son temps pour installer ce contexte d'une petite communauté de gens qui se connaissent bien, marquant à l'écran la différence entre les forces de l'ordre des grandes villes par rapport aux gendarmes situés dans de plus petits patelins. Cette première heure très quotidienne, installe parfaitement le contexte familial de notre personnage principal (Jéremie Renier toujours au top), nous montre plusieurs situations de gestion policière se déroulant sans accroc, et met en place l'élément déclencheur qui viendra tout faire basculer. Beauvois profite de cette première partie pour installer son propos, nous questionnant sur ces gens qui doivent être la perfection pour nous défendre, mais qui sont aussi fragiles que nous dans leur vie intime.
Sans jamais excuser les débordements, Beauvois compose des personnages qui sont fiers d'être policiers, mais qui ne pardonnent pas tout, notamment avec le personnage de Victor Belmondo (bon sang qu'il ressemble à notre Jean-Paul, ça en devient terrifiant). Beauvois nous invite à questionner l'impossible, à nous rendre compte qu'un être humain ne peut être plus parfait qu'un autre et que son statut, son rôle dans la société n'y changera rien. Notre gendarme qu'on suit à des problèmes de vie intime, notre gendarme n'est pas un dieu, et notre gendarme peut chuter, car l'erreur est humaine comme on dit. Tout le reste du film se consacrera à aborder la question de l'erreur : comment la gérer, comment s'en relever, est ce que notre vie s'arrête, est ce qu'on peut fuir la vérité. Si le rythme ralentit soudainement, c'est pour mieux nous ancrer dans ce vide, dans cet équilibre brisé qui touche tout le monde.
Le film n'est pas pour autant exempt de défauts, et si le fond est intéressant, la forme est bien moins engageante. Visuellement très (voir trop) classique, le film souffre d'une direction de la photographie terne, qui affaiblit la force visuelle de la composition de certains plans, et d'une utilisation de certaines caméras en extérieur avec une résolution immonde qui donne le sentiment de regarder des stock footages promotionnels sur une télé 4K à Darty. Le fond à aussi ses faiblesses, et si le propos est dans l'ensemble toujours juste, sa finalité m'a semblé un peu faible et fait plus office de justification pour lancer le générique de fin.
Imparfait sur plusieurs points, les défauts de "Albatros" ne viennent jamais entacher le propos de son film. Son questionnement sur la capacité à devoir réagir vite et comment cela peut engendrer une erreur, dont certains "faux raccords" de montage peuvent symboliser à quel point les choses vont parfois trop vite quand il faut réagir, est proprement fait. Beauvois ne juge personne, mais ne pardonne pas, Beauvois offre un beau portrait de ce qui fait notre humanité, et si ce n'est pas son plus grand film, c'est l'un de ceux dont le propos m'a semblé le plus fort.