Derrière les portes, la vérité ou le mensonge.
American Bluff est une comédie empreinte de références et de clins d'oeil dont on se demande malgré tout pourquoi elle bat de tels records d'audience en Amérique. Le cinéma américain est-il indigent à ce point qu'une bonne comédie bien ficelé, avec un jeu d'acteurs enlevé mais sans grande surprise et un scénario assez convenu déplace autant de spectateurs ?
Le film est à classer dans la catégorie film d'auteur et s'adresse à un public assez averti possédant une culture filmique et musicale à la fois solide et ciblée. C'est presque un film pour geeks, par le côté décalé...
Le début s'ouvre sur deux vies parallèles et une rencontre du couple d'arnaqueurs, dont la biographie met en valeur les qualités acquises dans une enfance et adolescences rudes socialement. On oscille entre un début presque digne des frères Cohen : Irving Rosenfeld, interprété par Christian Bale, se coiffe avec soin en masquant sa calvitie par un postiche et de la colle. Enfin prêt et fringant, il se rend dans un salon d'hôtel où l'attendent sa petite amie Sidney alias Edith, et Richie Di Masio. On se situe en pleine action, et déjà Richie se défend auprès d'Irving d'avoir flirté avec sa petite amie, mais le ton monte, il s'emporte et humilie ce dernier en le décoiffant, alors que Sidney s'exclame "tu sais qu'il n'aime pas ça !" Petite scène de genre.
Lorsque les trois complices se dirigent vers une porte battante avec la mallette pleine de billets, on est dans les films de mafia, entre le Parrain et Casino. La rencontre en flash-back entre Sidney et Irving ne dément pas la référence à Scorsese, et nous installe dans une esthétique des années 70 revisitée, et un personnage farfelu mais néanmoins génial, l'arnaqueur Rosenfeld. Il trouvera vite, par amour et intérêt, à s'associer avec la belle Sidney, qui lui apporte à la fois sa compétence, sa beauté et sa maturité compréhensive. Les petites affaires d'Irving prennent vite de l'ampleur avec l'apport personnel de Sidney, mais ils s'y retrouvent et se complètent merveilleusement. Chacun connaît les secrets de l'autre et ils se respectent, car ils sont de la même race : ceux qui ont dû se battre pour survivre, et qui mentent pour exister et devenir quelqu'un.
Tout au long d'un scénario d'arnaque tout à fait classique - un gros coup imaginé par l'agent du FBI qui a piégé Irving et Sidney, où il s'agit de filmer des politiciens en train d'accepter des pots de vin et de faire main basse sur des sommes rondelettes - on se régale de portraits amusants quoique sans surprise, la palme revenant à Jeremy Renner, qui campe un jeune politicien idéaliste sorti du Bronx et attaché au peuple. On fait connaissance également avec l'épouse d'Irving, campée par Jennifer Lawrence, sans doute très attendue, mais qui force un peu l'abattage, en fofolle déprimée et gaffeuse tous azimuts.
Le film culmine en une scène dingue entre les comparses et le patron de la mafia des casinos, dans un garage. Au moment où le faux cheik censé fournir les subsides et joué par un Mexicain, par souci d'économie de la part du FBI, se croit tiré d'affaires, le parrain s'adresse à lui... en arabe. Un coup de théâtre sauve la situation, mais on frôle la catastrophe.
En résumé, on n'est pas loin d'une bonne comédie de boulevard, avec entrées et sorties, portes qui claquent, acteurs qui sortent un jeu de scène efficace pendant deux heures, des flots de paroles, des chorégraphies. Ca bouge, c'est sympathique, et on passe un bon moment.
J'ai davantage apprécié les petites mesquineries des personnages, leurs contradictions, le mensonge sur lequel des vies se construisent. J'aurais aimé être davantage surprise par l'intrigue.