Et si American Bluff était le film le plus cool de ce début 2014 ? La question mérite d'être posée car David O. Russel nous démontre une fois de plus qu'il est parfaitement à l'aise dans ce domaine. Dans la lignée de son Happiness Therapy, American Bluff n'est pas un grand film mais un film où tout le monde s'éclate.


Disons le d'emblée, American Bluff est un film cool. L'histoire nous plonge à travers le New York des seventies dans l’univers fascinant de l’un des plus extraordinaires scandales de l'époque. A première vue, on essaye de comprendre ce que le film cherche à nous raconter à travers des personnages tous aussi dingues les uns que les autres. Nous comprenons que les personnages d'Irvin et Sydney forment un couple d'arnaqueur qui essayent de voir toujours plus grand mais qui vont se faire arrêter par un flic à priori idéaliste nommé Richie. Ce dernier va se servir d'eux afin de faire tomber toujours plus de têtes, et là le film se complique car on ne comprend plus qui arnaque qui et pourquoi.
Mais arrêtons de chercher des explications parce que ce n'est pas l'objectif du film. Ce qui s'apparente à première vue à un véritable défaut est en réalité l'une des grandes qualité du film. On en a un peu rien à faire de savoir exactement comment Irvin escroque ses clients, on pense ainsi directement au personnage de Jordan Belfort dans Le Loup de Wall Street : « Ce qui est important, c'est de savoir si c'est légal ou pas ». On cherche simplement à clarifier ce que les personnages désirent et comment ils évoluent dans ce milieux de malfrat où tout le monde escroque tout le monde. Nous sommes autant perdus que les personnages et nous prenons plaisir à les voir mis à nus dans certaines situations car on ne peut se raccrocher qu'à celles-ci. Et ça fonctionne car c'est justement ce que le film met en valeur.

American Bluff est typiquement un film d'acteurs. L'intrigue passe au second plan car le scénario repose principalement sur des scènes délirantes et bien écrites. La scène d'ouverture en est le meilleur exemple car on ne connaît aucun détail de la situation et des personnages mais on rit de voir Irvin mettre une plombe à se coller sa mèche de cheveux ou que Richie porte une coupe qui ne lui va absolument pas. Cette scène de présentation est suffisamment originale pour qu'on se dise que ce film ne peut qu'offrir une expérience cinématographique plaisante.

Le film est complètement irréaliste dans le traitement relationnel des personnages. Irvin vit une ''love story'' avec Sydney quotidiennement avant de rentrer le soir voir sa bimbo de femme qui refuse de divorcer juste pour ''l'emmerder''. Puis la-dite Sydney entame une relation tellement torride avec Richie qu'on ne comprend toujours pas comment ils n'ont pas couchés ensembles dans le film. Même si pour Sydney c'est un peut-être un simple jeux de séduction, le doute peut être permis. Et tout le film repose sur ces personnages qui enchaînent les situations toutes aussi inattendues les unes que les autres, le carton noir au début du film « Une partie de ceci est vraiment arrivé » ne venant que renforcer notre déstabilisation positive par rapport à la véracité des situations comiques et extravagantes.

American Bluff ne serait pas aussi déjanté s'il n'avait pas une pléiade d'acteurs n'ayant jamais autant cultivé l'auto-dérision : Christian Bale étale son ''bide à bière germanique'' et nous sort la calvitie des grands soirs, Bradley Cooper délivre à sa mère son discours du looser éternel qui va reprendre sa vie en main, le tout en marcel et bigoudis, et enfin Jennifer Lawrence a troqué sa queue de cheval pour une sorte d'ananas capillaire qui reste encore à identifier.
Nous prenons donc un réel plaisir à voir cette dernière jouer la blonde débile et capricieuse ou Bradley ne tenir littéralement pas en place dès qu'il se retrouve seul avec Amy Adams.
Le point culminant de ces auto-dérisions est atteint lorsque Sir De Niro en personne vient pointer le bout de son nez, histoire de démontrer une fois de plus qu'il s'éclate chaque fois qu'il doit ressortir son costume de mafieux et qui, pour apporter un peu d'originalité, nous délivre un accent arabe assez crédible.

La direction artistique mérite d'être soulignée car les années 70 sont retranscrites de façon très organique, bien aidé par une belle image pellicule. Les costumes sont beaux, excentriques (apparemment Amy Adams et Jennifer Lawrence ont décrétés que le non-port du soutient-gorge, ça fait tendance) et disons le entre nous le coiffeur mérite officiellement un oscar.

La mise en scène n'est pas révolutionnaire mais assez plaisante, par exemple la balade amoureuse d'Irvin et Sydney est plutôt bien organisée et légère. Certains mouvements de caméra et effets de montage sont très ancrés dans la tendance des seventies et rappellent mêmes par moments certains Scorsese (Les Affranchis, Mean Streets).


American Bluff fonctionne très bien dans ce qu'il nous offre : des acteurs-stars évoluant dans des personnages plus ou moins ridicules et évoluant dans des directions assez délirantes. On ressent clairement au long du film que tout le monde s'éclate. On pourra reprocher au film son scénario assez décousu mais qui prend tout son sens dans cette optique du spectateur aussi perdu et arnaqué que les personnages. Le film ne possède pas de véritable fond innovateur et constitue une simple expérience cinématographique efficace. Si l'on peut regretter une chose ? Son titre originale : American Bulshit.
Poupart
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le 12 févr. 2014

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