Alfonso Cuaron, Paolo Sorrentino, Paul Thomas Anderson, Kenneth Branagh, Alejandro Gonzalez Inarritu et bientôt Steven Spielberg : « l'autobiographie romancée de l'enfance » est très à la mode en ce moment, et c'est cette fois James Gray qui s'y colle, non sans succès. Sans être totalement enthousiaste (cela reste James Gray), notamment à cause d'un léger manque d'émotion (cela reste James Gray), « Armageddon Time » se révèle une œuvre séduisante à bien des égards, témoignant d'une belle sensibilité et d'une grande intelligence (cela reste James Gray).
Dans une quasi-logique de récit initiatique, le film surprend, que ce soit par ses personnages, ses situations, sa volonté de ne pas épargner son héros dans ses erreurs, de ne jamais céder à la facilité ou à la jolie scène que le public attend, laissant à la fois une impression forte et une très grande mélancolie. Toujours nuancé, à la bande-originale très présente mais pas au sens hollywoodien habituel, l'œuvre observe la fin de l'innocence, le cheminement d'un enfant en train de se construire à travers les épreuves, trouvant l'affection qu'il recherche beaucoup plus à travers son grand-père que ses parents, dont la relation se révèle d'une complexité rarissime pour un film aussi « grand public ».
Formidable interprétation : Banks Repeta, Anne Hathaway, Anthony Hopkins ou l'excellent Jeremy Strong : tous donnent beaucoup d'épaisseur et de subtilité à chacun des protagonistes. Le tout sur fond d'émancipation sociale, où Gray évoque ses relations (déjà) compliquées avec la famille Trump, sans que, là encore, une once de caricature vienne gâcher le portrait général. Une œuvre à part, presque inclassable, s'enrobant de classicisme pour détourner les nombreux « passages obligés » du genre : assurément l'un des titres importants de 2022.
PS : cher Festival de Cannes, à quel moment vos esprits tourmentés ont jugé plus justifié d'offrir la Palme d'Or à « Sans filtre » et ne pas proposer la moindre récompense pour celui-ci ? Dans l'attente de votre réponse, merci, bisous.