Tu le connais ce sentiment de partir voir un film que tu savais d'avance médiocre et de quand même être déçu ?
Voilà, ce que j'ai ressenti en sortant du cinéma, bravant le froid mordant pour rejoindre ma voiture. Je suis entré dans la salle avec la plus grande des appréhensions, résultat du constat très mitigé des récentes productions Ubisoft, j'en suis ressorti énervé, molesté par un film qui n'en avait décidément rien à foutre de moi. J'en suis venu à m'imaginer en parfait innocent, ignorant de cet univers vidéo ludique, débarquant devant cette horreur et me demandant s'il s'agissait d'un retour de karma ou bien le père Fouetard me réservait une tonne de charbon dans le gosier. Une gorge profonde surprise, les bons souvenirs de Noël...
Merde, juste merde. Faire un film de la saga Assassin's Creed était une très mauvaise idée. Une effroyable idée. Pourquoi me diras tu ? Parce que ce qui fonctionne dans un jeu ; les synchronisations, les sauts de la foi, bref tout ce qui fait l'essence de la licence, tout ça ne peut marcher lors d'une adaptation cinématographique. Un scénario reste un scénario, on est d'accord, le jeu vidéo s'inspire fortement du septième art, il est logique que l'inverse soit également vrai. Pour autant, le boulot n'est pas là, c'est bâclé, médiocre mais on y reviendra.
Penchons nous sur l'histoire ; Callum Lynch est un personnage des plus singuliers avec, dit-il, un problème d'agressivité. Hormis ce trait de caractère très utile à sa profondeur psychique, ce qui va intéresser la multinationale Abstergo va être son sang, le sang de ses Assassins d'ancêtres comme trace mnésique coulant dans ses veines. Alors que Lynch s'apprête à se faire exécuter pour meurtre, l'Ordre des Templiers s'empare de sa personne, l'enferme dans leurs locaux et l'oblige à se servir de l'Animus, un mystérieux appareil ayant la capacité de faire se synchroniser notre héros à son ancêtre. C'est alors que Callum, bien que confus par cette nouvelle prison, se retrouve plongé dans l'Andalousie de la fin du XVe en pleine Inquisition Espagnole, une époque pleine de conflits où Templiers et Assassins se tirent la couverture pour trouver et garder la fameuse pomme d'Eden, l'artefact contenant le "gène" du libre arbitre...
Là, je te vois venir à me demander si la transposition en 1492 est dépaysante, tout ça... Je dis non. Je dis non et effectue un parallèle compréhensible pour tous. Pour te donner un ordre d'idée sur les choix conservés dans ce film, penses au deuxième opus et aux phases de gameplay avec Desmond en dehors de l'Animus. C'est bon ? Le voilà ton parallèle, et, miracle, ça dure deux heures ! En fait c'est pas tellement ça le problème. A la limite si tout était cohérent je ne ragerai pas sur cette petite demi-heure d'Inquisition. Si tout était cohérent, disais-je, pour un film d'action jouant sur deux tableaux, à savoir le présent et le passé, on aurait de part et d'autre des enjeux et des développements psychiques. Or, le passé n'octroie aucun enjeu, on a vraiment l'impression d'être enfermé dans un fond vert tout poussiéreux. Quand au présent, c'est pataud, mou du genou et si peu intéressant. Vraiment, on s'emmerde. Et à voir Fassbender se sentir obligé de tomber le tee-shirt pour raviver l'intérêt du spectateur, je n'étais pas le seul.
(On ne parlera certainement pas de Cotillard, plus cyborg que jamais)
En fait il y a tellement de choses qui ne vont pas que je ne pourrai faire autrement que de les lister :
- L'utilisation de la 3D est franchement laide ; l'action rend le tout confus et flou. Aucun plaisir dans les chorégraphies n'est notable.
- Aucun plaisir nous disions. C'est plus du malaise en réalité. Tu passes le film à te demander si tout cela est réel, comme dans Total Recall mais pas pour les mêmes raisons.
- L'Animus est ridicule. Sérieux, pourquoi obligatoirement faire dans le spectaculaire ? Un lit ne suffisait pas ? Remarque, sachant que tous les mouvements sont répétés dans le présent, cela m'a fait rire de songer à cette application lors des scènes à caractère sexuel dans les jeux. Même pas une blague dessus. Très décevant...
- Toute l'esthétique du film cherche à se donner un air cool et charismatique mais les petits gars de chez Ubisoft ont encore oublié que faire un long métrage n'équivaut pas à empiler les cinématiques.
- Marion Cottillard souhaite guérir l'agressivité et la violence pour le compte d'Abstergo. En plus d'être un traitement puéril de scénario, manichéen au possible, c'est creux et sans intérêt.
Au delà de l'immonde il y a néanmoins quelques bons moments, ils sont rares, certes mais ils existent. Je pense notamment à cette scène finale franchement pas dégueulasse, à ce travail assez remarquable sur les costumes ou encore cette subtile référence à Oppenheimer. C'est peu, j'en conviens...
"Rien n'est réel, tout est permis", qu'ils disaient. Merci Ubisoft pour cette belle maxime tirée des jeux, non plus géniale mais le parfait reflet de ce malaise de deux heures.