Oubliés les univers des précédents films dédiés à l'homme chauve-souris. La poésie burlesque et gothique de Tim Burton et l'immonde fouillis coloré de Schumacher font place au réalisme froid de Nolan.
Pour bien faire autant repartir du début de l'histoire et comme l'annonce le titre, origin story il y aura de nouveau.
Voici donc un jeune Bruce Wayne, incarné par un Christian Bale très convainquant avec ou sans le masque, taciturne, dépressif, enragé, qui n'arrive pas à dépasser son deuil depuis la mort de ses parents. Voici l'orphelin milliardaire parti en quête de sens, de justice et de réponses loin de Gotham. Après un rapprochement avec la ligue des ombres, une mystérieuse organisation dont il finira par prendre ses distances, il rentrera aguerri et justicier. En sachant s'entourer de quelques personnes de confiance, il créera son alter égo masqué, terreur des méchants, du simple malfrat au criminel en col-blanc en passant par les psychopathes mégalomaniaques, le Batman.
Ceci constitue, en gros (puisque sans volonté de spoiler trop fort pour les chanceux qui ne connaîtraient pas encore les aventures de Batman par Nolan) ) une première partie plutôt réussie, Christian Bale y étant pour beaucoup sans aucun doute.
Cependant le soufflet retombe dans une seconde partie plus tournée vers l'action blockbusterienne conventionnelle et même si j'aime assez les films de Nolan, il faut avouer que les scènes d'action ne sont pas sa force, particulièrement les bagarres, trop confuses, mal cadrées et mal montées.
Pour le fond, le sentiment que Nolan marche sur des œufs pour redémarrer une franchise partie en quenouille à tous les niveaux (succès public, proposition artistique...) se ressent et il en résulte un film qui semble perpétuellement commencer sans réellement avancer. Beaucoup d'explications et de justifications freinent l'ensemble, toujours pour donner crédit à l'apparition d'un tel héros dans un réel possible. Pour exemple, si certaines des figures des "méchants" historiques sont bien présentes, il s'agit d'abord ici de lutter contre le crime organisé politico-mafieux et/ou le terrorisme international, thèmes bien présents dans notre environnement actuel.
Les questionnements de ce Bruce Wayne, sur ce qu'est vraiment la justice, et où se situe la frontière avec la vengeance, semblent plus profonds qu'auparavant dans l'univers cinématographique du chevalier noir, se rapprochant ainsi de celui des comics modernes (même si une bonne part de la violence intérieure du personnage dessiné est ici mise de côté, public mainstream oblige). Le scénario s'inspire d'ailleurs de plusieurs comics tout en sachant s'en émanciper.
Même si, finalement, tout ce propos reste faussement important dans ce qui doit rester avant tout un divertissement, c'est agréable de voir un film de super-héros tenter la réflexion.
Pour la forme, choisir un style graphique tendance polar des 70's est judicieux pour ancrer le chevalier noir et sa mythologie dans un univers proche du réel. Ainsi, les éléments de cette mythologie apparaissent réactualisés et adaptés pour intégrer ce monde parallèle si proche du notre.
La mise en scène et la photo sont plutôt élégantes (sauf dans les séquences de bagarres comme déjà mentionné plus haut).
L'un des gros atouts, si ce n'est le principal, du film est son casting clinquant et classieux. Michael Caine, dans la retenue qui sied parfaitement au majordome Alfred. Morgan Freeman campe un Lucius Fox soooo cooool et Gary Oldman un Gordon très juste et bienveillant. À leurs côtés, Liam Neeson par sa prestance rehausse encore le niveau et Cillian Murphy est étonnant de cynisme. Par son masque, il est, avec le Batman lui-même, le seul élément légèrement burlesque du film, touche de fraîcheur bienvenue. Mon seul bémol sera pour Katie Holmes dont l'absence de charisme et le jeu approximatif ne peuvent relever un rôle déjà potiche à la base.
Pour résumé, le retour et le nouveau départ du chevalier noir est un film avec un potentiel certain jamais vraiment exploité mais qui laisse augurer du très très bon pour les suites à venir, dont l'annonce est faite par Gordon lui-même à la fin du film (sans recours à aucune scène additionnelle exaspérante, bravo !).
Un bon divertissement.