Si la mythologie des super héros me laisse d’une façon générale plutôt indifférent j’avoue avoir toujours trouvé Batman le plus intéressant. D’abord parce que même nanti de moyens technologiques ahurissants, il reste un homme, nulle question de mutations conférant des capacités hors normes, de résultats d’expériences malheureux pour se muer en justicier implacable ou d’origines extra terrestre pour avoir le pouvoir d’effectuer l’impossible, l’identification m’est donc plus facile. Ensuite, et là on est dans le domaine du subjectif, j’ai eu la chance lors de la tournée promotionnelle de Batman (1989) de pouvoir monter à bord de la batmobile et croyez moi pour un garçon de 13 ans, c’est un souvenir impérissable, j’avoue d’ailleurs que cette version et la suivante Batman, le défi (1991) toutes deux réalisées par Tim BURTON restent encore aujourd’hui celles que je préfère malgré les défauts et imperfections que je peux y voir aujourd’hui avec plus de maturité et d’esprit critique.
J’avais hélas suite aux déceptions qu’avaient été les deux versions de Joel SCHUMACHER tant sur le plan filmique que sur les navrantes, voire ridicules prestations de Val KILMER et George CLOONEY en Batman pris sur moi, qu’hormis d’honnêtes versions animées nous ne reverrons pas de bons films où retrouver ce super héros.
Et puis Christopher NOLAN a débarqué avec ce nouveau projet, qui deviendra une trilogie, mais je n’ai pas voulu tout de suite les voir, prétextant que de toute façon si un film ne peut souffrir d’être vu dans les semaines qui suivent sa sortie, c’est qu’il est déjà à mon sens raté. J’ai donc attendu que les trois films soient sortis, puis que l’effervescence redescende, pour enfin me faire ma propre opinion. A commencer par ce premier volet.
Verdict ?
Même si encore une fois, il n’égale pas dans mon cœur celui de 1989, il faut avouer qu’enfin nous sommes face à une proposition qui tient la route.
Regardons tout de suite ce qui ne va pas, car de défauts il n’est pas exempt, il y a d’abord dans la mise en scène de Nolan un vrai problème à filmer l’action, autant c’est un cinéaste qui est brillant dans l’art de mettre en scène les idées et les concepts les plus abstraits, autant quand il s’agit de filmer et chorégraphier l’action sa mise en scène est moyenne, frisant parfois le médiocre. Il en résulte des scènes maladroites, brouillonnes, difficiles à lire, manquant de fluidité et d’audaces. C’est pour moi le principal défaut du film qui l’empêche de glaner une étoile supplémentaire.
L’autre point qui selon moi handicape le film, c’est d’avoir oublié qu’un des aspects de Batman qui séduit le plus ses fans, c’est sa part d’ombre. Le mystère qui entourait jusqu’ici comment il est devenu cet as des arts martiaux, cet expert en combats rapprochés faisait partie du personnage et évoquer l’assassinat de ses parents comme élément déclencheur mais sans en dire d’avantage suffisait, c’est un peu comme connaître toute la jeunesse de Han Solo et nous donner des réponses à des questions qu’on ne se posait pas, on s’en fout et ça n’apporte rien au mythe - même si dans le cas de Solo: A Star Wars Story (2018) j’ai malgré tout tendance à défendre ce film pourtant très critiqué, mais c’est un autre sujet - au contraire dans le cas de ce Batman begins, cela dessert notre émerveillement, à trop vouloir mettre en lumière ces zones d’ombres, on a perdu du mystère et de l’empathie que pouvait susciter Bruce Wayne suite au drame vécu dans son enfance, on passe à un sentiment presque de désintérêt, ne faisant de lui qu’un milliardaire qui se costume pour aller taper du méchant.
Ceci dit, il faut reconnaître au film biens des aspects positifs, à commencer par son scénario, d’une très grande fluidité, d’une forme de simplicité - simplicité n’est pas simplisme - la caractérisation des personnages est d’une grande qualité, et qu’importe leurs importances dans le récit ou dans leurs interactions avec Batman, chacun tient un rôle précis, que ce soient les complices, les soutiens, les pères de substitutions, les ennemis, ceux qui tiennent un double discours ou ceux qui révèlent, chacun endosse sa charge thérapeutique, car en fait il s’agit bien de cela, Batman est une thérapie psychologique poussée à l’extrême par un patient qui exprime ses angoisses les plus intimes, Batman est le pendant nietzschéen du super héros, nihiliste, désabusé, implacable et presque sans morale, presque manichéen dans son approche de la justice, puis libéré, soulagé et rendu plus fort même une fois son masque ôté.
Toute la lecture politique et critique de nos sociétés occidentales est également une vraie réussite, la lutte des classes, l’impudeur des riches, la détresse des pauvres, la corruption qui s’insinue partout et les quelques phares d’incorruptibilité qui luisent ça et là comme l’espoir resté au fond de la boîte de Pandore. Gotham City, filmée comme New York pouvait l’être dans les années 70, avec ces clichés des ruelles sombres, d’où suintent des liquides qui touchent à l’organique, son contraste permanent entre lumières et feux de la rampe et ses zones d’ombres, une ville où le merveilleux côtoie l’abject, une ville déshumanisée et impersonnelle mais qui pourtant transpire l’humanité.
Un petit mot du casting, pour souligner le fait que Christian BALE incarne peut être le meilleur Batman vu jusqu’ici si on exclue le film de 1966, bien que ce dernier lorgnait plus du côté du cartoon dans sa direction artistique que du film noir qui caractérise les films de ce super héros depuis que Tim Burton a relancé le concept. Quant aux autres acteurs, ils sont précis et justes, soulignant tout à la fois la qualité du scénario et la qualité d’écriture des personnages.
Nolan installe avec ce premier volet sa vision de Batman, elle vaut ce qu’elle vaut, elle est critiquable sur bien des points, mais fait aussi montre de biens de qualités et puis l’hommage qu’il rend au Batman de Burton avec cette idée d’attaque de la ville par un gaz, m’encourage au final à défendre ce film