→ Quantième Art
À l’occasion de son dernier film, Chabrol collabora avec Depardieu pour un résultat qui aurait manqué au palmarès de l’acteur en état avancé de formatage. De nouveau représenté en personnage entier, assez pagnolesque, il incarne une sorte de Maigret à la retraite rempli de flashbacks à moitié camouflés, qui semble toujours avoir été là, dans le pays des maisons qui sentent le frais, où les airs de Brassens flottent encore, & dans un milieu semi-rural où l’acteur n’est pas du tout dépaysé.
La différence avec du Pagnol, c’est qu’ici jamais l’intrigue n’essaye de faire corps avec son histoire : très détachée même de son contexte potentiel, c’est un scénario humain à l’extrême qui brosse les tableaux parfois un peu trop symboliques de ses personnages aux noms d’ailleurs révélateurs (prononcer en français : Bellamy, Lellet, Lebas, Gentil, Bonheur & surtout le magnifique Sancho).
Ensuite le vieux commissaire de Depardieu sort de sa chrysalide de star à la retraite pour ne garder de sa vie que l’intimité conjugale magnifiquement instaurée avec Marie Bunel : ils sont un couple intégral, discret, qui ne cherche pas à remplir des cases & sur lequel on peut compter pour équilibrer les affects & pas juste y foutre le bazar.
À force de parler en énigmes, les personnages tissent aussi de forts beaux dialogues qui font un peu perdre de vue la vocation que Chabrol cherchait à remplir : la beauté de son art semble avoir été dosée en direct & l’on ne sait pas si l’on doit se laisser emporter par elle ou la trouver malhabile. À croire que l’insistance de Maigret – pardon, de Bellamy à étiqueter sa petite investigation d’ “enquête à titre privé” est une façon de faire un film policier sans police, mais sans non plus de vrai procédé qui puisse servir à la remplacer.
Convaincant par myriades de petites touches, Bellamy est un film dont on sort sans savoir de quoi il a été question & en se demandant pourquoi le doute ne nous est pas venu plus tôt. Il sera mal remémoré mais, avec un peu de chance, redécouvert avec plaisir.