Film de science-fiction captivant.
Ce n'est pas la première fois que littérature et cinéma envisagent des situations ou des époques futuristes où on met en place des programmes scientifiques eugéniques pour créer une race d'hommes et de femmes parfaits soit par clonage soit par diverses autres méthodes. "Et on tuera tous les affreux" de Boris Vian …
Ici, justement, Andrew Nicoll, scénariste et réalisateur, attaque le problème à la source. La science a bien progressé et on connait enfin les règles pour obtenir une descendance avec un minimum de défauts et un maximum de qualités. Finies, les conceptions et naissances du hasard ou du destin dont le résultat est abominablement aléatoire. Les parents vont enfin pouvoir commander le gosse qu'ils souhaitent auprès d'un personnel compétent qui va effectuer la bonne fécondation in vitro, à partir de gamètes et/ou spermatozoïdes de qualité (ou de classe, comme on veut) etc. Il suffit juste de payer et on est servi.
Comme, par ailleurs, la société développe de grands projets intersidéraux, évidemment, il convient de placer dans ces fusées des candidats triés sur le volet et complètement contrôlés sur le plan génétique. Il ne s'agit pas de caner en cours de voyage. C'est l'objet de Gattaca qui est le centre spatial d'entrainement et de préparation de ces jeunes surdoués qualifiés.
Mais si la société est parfaite dans sa discrimination de la population entre ces surdoués et tous les autres, il n'empêche que le monde reste "malheureusement" imparfait. D'une part, entre la commande du bébé parfait et la livraison, il peut y avoir des petits loupés qui ne répondent pas au cahier des charges du départ. D'autre part, nul, même surdoué et qualifié, n'est à l'abri d'un bête accident domestique de nature à ruiner tout espoir.
C'est en grande partie le propos du film.
Deux frères Vincent et Anton. Le premier conçu par amour classique est le fruit du destin ou du hasard. Il n'est pas parfait suivant les canons de la science et porte en lui un risque d'échec et de mort prématurée. Le deuxième suit par contre le "bon" processus et s'avère plus performant comparativement.
L'avenir se ferme pour le premier tandis que tout sourit au deuxième. Les rêves d'espace du premier semblent inaccessibles tandis que le second vit sur son acquit sans trop se biler et finira par devenir flic pour défendre les privilèges des surdoués de Gattaca.
L'énergie considérable que va développer Vincent, qui veut atteindre son objectif de voyage dans l'espace, va lui permettre de se hisser contre les barrières ou les préjugés qui se trouvent dressés contre ceux qui ne font pas partie de l'élite.
En somme, c'est la part d'imperfection de la nature ou du monde qui permet le renversement des valeurs édictées par la science et son programme eugénique.
C'est la volonté de fer de Vincent qui lui fera parvenir à vaincre les performances physiques de son frère Anton. On peut aussi considérer que la science n'a pas non plus réussi à produire l'être aussi parfait que ça puisque Vincent, l'enfant du hasard, de par sa volonté et ses efforts, peut lui être parfois supérieur.
Ce que je trouve intéressant dans ce film, c'est qu'il est très crédible et du coup, effrayant. Les personnages sont crédibles parce qu'en dépit d'un univers très froid et aseptisé où les gens sont soumis à d'incessants contrôles, le cinéaste laisse apparaître les véritables personnalités qui s'expriment avec des réactions parfaitement humaines et banales. La détermination implacable de Vincent (Ethan Hawke) s'accompagne de doutes ou de peurs. Son amour naissant pour Irene (Uma Thurman), si distante et si froide, se réchauffe peu à peu dès lors que transparaissent les faiblesses de l'un et de l'autre.
Les situations futuristes explorées restent crédibles car, en définitive, on n'en est, aujourd'hui, pas si loin que ça avec les connaissances génétiques, les possibilités de création in vitro, les expériences de clonage, etc. Seule aujourd'hui une éthique ou une morale, comme on veut, interdit d'aller plus loin. On peut d'ailleurs frémir si, d'aventure, on se lançait dans ces activités d'eugénisme qui, à l'échelon égoïste de l'individu (ou des parents), peut paraître séduisantes. On peut frémir à l'idée que certains politiques puissent s'emparer de ces genres de programmes pour fabriquer une population parfaite et bien obéissante …
Heureusement, nous dit le cinéaste, Andrew Nicoll, que la nature a encore son mot à dire sur cette insupportable prédestination. Et que le jour n'est pas encore levé de pouvoir redresser ce que la nature a courbé.
Quelles belles scènes, pleines de sens, où Vincent et Irene, lâchent tour à tour le cil susceptible de révéler "la vérité" que ne peut que rejeter l'amour.
Belle mise en scène de ce film et jeu des acteurs excellent que ce soit les rôles de Vincent (Ethan Hawke), de Jerome (Jude Law) ou encore Irene (Uma Thorman).
Belle musique de Michael Nyman d'accompagnement du film.