Depuis quelque temps Bienvenue à Gattaca somnolait dans le dortoir de mes envies SC. Après avoir vu Good Kill, le dernier né d'Andrew Niccol, d'une platitude flagrante, il a dû patienter encore un peu. Au final, l'ainé des long-métrages du réalisateur néo-zélandais s'avère être Le meilleur (et les spectateurs de Bienvenue à Gattaca comprendront ici le parallèle).
Sorti en 1997, ce film de science-fiction se démarque des standards en la matière - pas d'effets spéciaux, ni extra-terrestres ni guerre intergalactique ou je-ne-sais-quoi d'autre - en retraçant l’histoire d’un homme voulant réaliser son rêve malgré les entraves auxquelles il est et sera confronté. Bienvenue à Gattaca illustre aussi cette singularité par une rareté à narrer une intrigue futuriste dans un esthétique très rétro/années 50 - costard cravate, cheveux gominés et décors un peu kitsch, avec notamment ces escaliers en spirale qui évoquent la structure de l'ADN.
Venons-en au cadre. La société se divise entre les "valides" et les "invalides", et le fait de transformer délibérément le patrimoine génétique d'un être humain dans le but de le faire tendre vers un idéal déterminé, autrement dit l'eugénisme, est devenu une norme. Les "valides", physiquement et intellectuellement supérieurs, forment l'élite et ont accès à Gattaca, un centre d’études spatiales et de formation pour les astronautes. Les meilleurs d'entre-eux pourront prendre part à la mission vers Titan, un des satellites de Saturne. Les "invalides" désignent les être humains nés sans modification génétique et sont confinés aux tâches ingrates. Ils représentent une "sous-classe" au service de l'élite génético-sociale. C'est en ce sens que Bienvenue à Gattaca prend la forme d'une parfaite dystopie à la manière du roman d'anticipation 1984 de Georges Orwell ou du plus récent V pour Vendetta de James McTeigue (2006), en présentant des analogies avec ces derniers (société de surveillance, régime totalitaire, réduction des libertés).
Dans cet environnement discriminatoire, Vincent (Ethan Hawke) et Anton (Loren Dean) sont deux frères. Vincent, l'ainé, est "invalide" et condamné par la science dès sa naissance: on lui détecte une faiblesse cardiaque et une espérance de vie estimée à 30 ans. Ces symptômes lui interdisent de réaliser ce rêve d'intégrer Gattaca et participer à la mission spatiale vers Titan. Son frère cadet Anton est quant à lui "valide" en ayant bénéficié des meilleurs gènes. Vincent veut se faire passer pour "valide" et rencontre Jérôme (Jude Law), un valide devenu handicapé qui lui prêtera sang, urine et cheveux pour duper les contrôles ADN des services de Gattaca. Il fait la connaissance d’Irène (Uma Thurman).
La cause du succès ou de l'échec relève beaucoup plus d'une attitude que d'une capacité - Walter Scott
Bienvenue à Gattaca épaissit ensuite son propos avec un thriller rondement mené : le directeur de la mission spatiale est assassiné. Vincent se retrouve menacé et l'étau se resserre au fil des contrôles drastiques menés par les enquêteurs, dont Anton son frère. Entre eux, la rivalité remonte à l'enfance, et le duel entre le "fraudeur" et l'enquêteur, le "non-valide" et le "valide" sera décisif dans la poursuite du rêve de Vincent. Andrew Niccol entrelace ainsi avec talent les différents niveaux du récit, tout en dessinant les contours de son univers froid et aseptisé avec quelques clins d’œil : l'utilisation de la génétique aboutit à créer par exemple des pianistes à douze doigts. Dans cet endroit de perfections (idéal génétique, propreté maniaque, recherches scientifiques, entraînement des élites), Vincent est ce grain de sable dans l'engrenage. Avec son cœur qui bat la chamade lors d'un test physique, il symbolise l'Homme avec ses imperfections, mais également avec son irréfutable volonté : il incarne en somme le refus d'une discrimination sociale basée sur son génotype et se dresse face à l'implacable ordre établi.
Nous sommes tous des poussières d'étoiles - Hubert Reeves
Prédestiné à la naissance à une courte et piètre vie, Vincent surmontera une-à-une les épreuves : celle du courage et de la volonté par la nage en mer contre son frère ; celle de l'amour en dépassant la barrière génétique qui le sépare d'Irène ; celle enfin d'atteindre les étoiles : après tout, "il n'y a pas de gênes dans le Destin !".