Black Dog
7.2
Black Dog

Film de Guǎn Hǔ (2024)

Récompensé à Cannes 2024, dans la section Un certain regard," Black dog" impressionne et sidère dès son plan d'ouverture, tant la mise en scène, fluide et dévoilant un paysage vaste et désertique, se brise d'un coup lors d'une fulgurante apparition. Ce regard antonionien se confirmera par la suite , avec la "visite" de la ville en lambeaux, ultra-cinématographique dans sa superbe décrépitude. Il y a les lieux, sus-décrits, et il y a les hommes, qui semblent ne communiquer que dans une violence verbale ou physique. Et puis les chiens. Le chien. Un molosse aussi bon acteur que le reste de la troupe. Le réalisateur impose son anti-héros taiseux, Eylang, (s'il dit 5 phrases pendant le film...) qu'il oppose à la population de la ville, dont les sentiments oscillent entre une forme de frénésie et la violence. L'arrivée dans la ville se conclut par un passage au commissariat, institution qui semble pérenne, dans ce que l'on devine être une friche urbaine. Alors le réalisateur va nous proposer, au gré des pérégrinations des personnages, (et des chiens) une virée hallucinante dans un espace urbain en décomposition, une sorte de "Stalker" du désert... Ville d'abord filmée dans un chromatisme de gris, qui vire au blanc intense à mesure que l'on approche de midi. Ville minérale, probablement un ancien centre charbonnier, de nombreux terrils (décorés d'une gloriette:) ) en attestent, bâtiments sans fenêtres, grillagées, cinéma abandonné, intérieurs privés poussiéreux... accompagnés de la voix continuelle de la propagande. Et d'une forte présence canine. C'est l'histoire d'un retour au pays natal, retour dans la maison du père (dont on ne peut détacher le regard de l'affichette hurlante de "The wal" des Pink Floyd), qui ne va pas de soi et qui va connaître un développement singulier, une très belle tangente, un retour à l'humanité. C'est donc également l'histoire d'une belle complicité. Les plans s'enchaînent, souvent très graphiques, et Hu Guan joue avec les nombreuses visions que cette ville, Chixia, offre. Il est d'ailleurs intéressant d'aller, après le film voir la page Wikipédia consacrée à cette ville, car l'image qui illustre l'article semble être soit d'une autre ville, soit d'une autre époque. Ici, ce n'est que gravats, peintures qui s'écaillent, bâtiments fatigués, esthétique du déglingué. Et puis la guerre est déclarée aux chiens, dans une sorte d'acte collectif désespéré, enfermant les boucs émissaires dans une ancienne friche industrielle (qui n'est pas sans évoquer d'autres enfermements). C'est aussi un film où les relations humaines sont souvent verbalement violentes, où l'on mange et l'on boit énormément, comme pour anesthésier une impuissance à opposer à l'état général. Et quand la ville semble se vider entièrement de ses habitants, qui partent voir une éclipse dans le désert de Gobi, le gardien du zoo famélique ouvrira les cages encore occupées, ajoutant une poétique confusion à la ville abandonnée. Incandescent et plastiquement époustouflant.

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