Cligne deux fois si tu es en danger : l'ironie c'est qu'on fini par cligner des yeux ça c'est sur, papillonner même, façon lépidoptère épileptique en pleine tempête de grêle pour pas taper une sieste. Blink Twice est un film qui incarne tout ce qui ne va pas dans cette génération de cinéastes et scénaristes paresseux, lustrés, surréalistement impeccables, préoccupés par leur following sur les réseaux sociaux et par le fait qu'on les célèbre, les encense, leurs dise bravo, quelles personnes morales et formidables vous faites, avec vos projet eau de javel, vous qui avez compris tous les enjeux des relations de pouvoirs hommes-femmes d'abord, puis les inégalités sociales ensuite, à contrario des spectateurs, cette bande de gueux.
Pour parler des genres déjà, Blink Twice s'inscrit comme un offspring disgracieux de la comédie noire horrifique et du thriller psychologique, n'ayant d'horrifique que les thèmes de fond du scénario (très loin au fond) comme le viol ou la manipulation. On notera que, certes un peu d'hémoglobine sera versée, mais avec des moyens très féminin comme du parfum, du venin de serpent, un jeu d'échec. Disons le, le film n'a clairement rien d'horrifique et le genre n'a pas besoin d'un autre navet à son actif donc please, gardons Blink Twice dans le genre thriller psychologique, comédie noire un peu sanguinolante foireuse.
Les thèmes ensuite, de ceux les plus mortellement ennuyeux au cinéma s'il ne sont pas réfléchis et bien amenés ou alors totalement décomplexés, par exemple avec l'excellent et brutal Hard Candy ou encore le classique American Psycho, là on approche ça façon plateforme de streaming, on privilégie la surface au détriment du fond, et visuellement ou nous sert quelque chose format pub de parfum : des plans esthétiques, léchés, beaux, qui éclairent notre lanterne sur ces histoires de livre et de couverture - la couverture étant belle à regarder, comme est censé l'être le personnage de Channing Tatum, et le livre, censé être plus profond, une réflexion sur le pouvoir qu'exerce les hommes sur les femmes à coup de promesses et d'oseille, ayant comme personnage principal une femme noire (donc double mise sur la représentation qui sonne la exacerbée, fausse, presque victimaire) Frida, qui se sent invisible, inutile et qui semble avoir de plus grandes aspirations, enfin ça, c'est les spectateurs avec un peu d'imagination qui aborderont le scénario avec cette lecture parce que rien ne l'indique, mais je divague, celle-ci commence à fan-girlé sur un milliardaire de la tech BG et, par sa propre fougue, sa féminité, son charme, parvient à se rapprocher de lui et à finir sur son île située dans la région d'Epstein qui, on le sait, on le sent, n'augure rien de bon pour cette pauvre brebis galeuse, ce petit animal rêveur tombé dans les filets du big bad wolf. Sur papier déjà, on transcende rien, en s'inspirant des histoires obscures de ces foutus satanistes d'Hollywood et des ultra-riches, et au lieu de traiter du vrai problème que pose le comportement déviant de ces e------ de milliardaires qui nous tiennent tous par les cojones, qu'on en ai on pas, et d'autres cas cliniques de notre société déviante qui dans un joyeux consortium sadique portent le nombre d'enfants et de femmes enlevés pour servir le trafic sexuel à des centaines de milliers, on ne nous sert rien d'original (si ce n'est dans les toutes dernières minutes), et ce livre devient un pamphlet creux où chaque séquence semble plus préoccupée par l’idée d’être instagrammable que par le développement d’une quelconque émotion ou tension. Ce style superficiel étouffe le film et l'assassine littéralement.
La faute aussi au rythme, qui, sans essayé de faire dans le lyrisme, est juste purement merdique. On atteint la barre de l'heure et demie spectateur passif d'un festival de beuverie bon enfant, de romance langoureuse entre le personnage de Channing Tatum et celui de Naomie Ackie, de blunts allumés et partagés (un peu comme *plot-twist*, les victimes de cette histoire, les femmes) entre des personnages absolument sous développés, une gagnante d'un koh lanta en string, une stoneuse, une qui n'a pas une ligne à délivrer avant de nous faire découvrir que c'est une meuf de tess, les amigos sadiques de ce milliardaire étant juste des amigos sadiques sans back-stories. Et tout le monde s'amuse gaiement, se raconte des histoires au coin du feu, jusqu'à attendre la marque du dernier tour de piste où sont proposés des scènes d'horreur presque hystériques, mal découpées et dénuées de toute fluidité. Un bordel mal géré qui ne fait que rendre le film interminable et inefficace là ou il devrait l'être. On sent que Blink Twice veut faire monter une tension psychologique, mais échoue à chaque fois à cause d'une structure bancale, chaque scène semble être une tentative d’imitation ratée de thrillers plus aboutis, comme Gone Girl, ou de film d'horreur barré et décomplexé comme You're Next, sans jamais comprendre pourquoi ces films réussissent.
Là où le film se saborde encore plus, c'est, comme déjà mentionné, dans son étrange poussée combo de wokisme #metoo aveuglante. Non seulement ce traitement est maladroit, mais il frise le ridicule. Madame Kravitz, et pas mademoiselle, essaye visiblement d’inscrire son propos dans les débats contemporains sur les relations de pouvoir et la violence sexuelle, mais tout est caricatural. Les dialogues sonnent faux, les situations sont grotesques, et ce qui pourrait être un vrai commentaire social devient une merde aseptisée facilement oubliée, - le comble, en vu du dernier thème proposé dans les dialogues finaux. Il y a cette volonté de dénoncer, mais tout est si forcé, si peu subtil, qu’au lieu d’inviter à la réflexion, ça laisse un goût de malaise et pas celui voulu, celui du malaise cringe. On pense à Promising Young Woman, mais sans la finesse du propos, par exemple.
Maintenant, vu que j'aime pas être le gros cis de service, macho qui ne PEUT PAS comprendre le traumatisme de la violence sexuelle et morale que subissent les femmes, je vais mettre un point positif à la dernière séquence qui rajoute une pointe de complexité bienvenue au personnage principal. Le choix de la protagoniste de sauver son agresseur, la source de son fantasme qui lui aura arraché une grosse partie de sa dignité, plutôt que la femme, son compagnon dans cette aventure traumatisante, son ancre qui l’aura aidé à s’échapper, ajoute une dimension psychologique intéressante. Ce moment de bascule, où elle cherche à prendre le contrôle et à ne plus jouer le rôle de cette victime invisible, quitte à vendre au diable sa propre communauté, montre enfin un peu d’épaisseur façon stockholm syndrom. On touche ici du doigt cette réflexion visée, on lui ajoute une vraie ambition intéressante mais sans jamais réellement atteindre cette subtilité dans le traitement de ces thèmes de pouvoir, de manipulation, de désir de ne plus être réduite à un simple rôle, et c’est peut-être le seul instant du film où l’écriture parvient à capter quelque chose de sincère, et à proposer un propos plus nuancé qui donne à réfléchir - too little too late - et surtout trop flagrant dans son jeté de rideau, enfin, la femme avec un grand F à over-powered le grand vilain milliardaire violeur et manipulateur et la fait objet de ses propres manigances. Rire d'antagoniste de James Bond, Chaning Tatum réduit à jouer le boloss avec sa vapoteuse, Naomie Ackie qui nous sert un dernier sourire narquois victorieux, the end.
Channing Tatum cela dit, est une des rares raisons de ne pas abandonner le film, adepte des mauvais films, et Blink Twice ne fait pas l'exception, son interprétation de ce milliardaire dépravé, clairement inspiré par Jeffrey Epstein, est étrangement crédible et montre la réelle profondeur dont est capable cet acteur, si tant est qu'il se réveille et qu'il choisisse enfin un projet plus abouti. Il parvient à insuffler une certaine profondeur à ce personnage toxique, marqué apparemment par ses propres traumatismes d'enfance absolument pas explorés, ce qui permet de maintenir un peu d’intérêt dans une intrigue par ailleurs indigente. Tatum nous montre un homme qui se croit invincible, qui vit dans un monde où tout lui est dû, mais dont l'armure craque par moments, révélant des fissures plus vulnérables. Ça reste un cliché ambulant, mais il le joue avec une conviction qui force à rester connecté. Enfin, dans la dynamique entre Slater (le milliardaire donc) et Frida (sa victime), le film essaye vaguement de proposer une réflexion sur l'oubli et le pardon, mais échoue lamentablement. Ce sont des thématiques complexes, explorées avec brio dans des projets comme The Night Of ou Room, mais Blink Twice n’a pas les moyens de ses ambitions et surtout plus le temps après avoir endormi à coup de parfum sponsorisé instagram son audience. Pour que le pardon soit crédible, il aurait fallu que le film construise un chemin émotionnel cohérent, une évolution des personnages et des dilemmes moraux. Au lieu de ça, tout semble survolé, bâclé. Il aurait salutairement fallut, tant le projet ne semble être qu'une ébauche, un scénario qui prenne le temps de développer ses personnages et ses thèmes au lieu de nous les gaver comme du venin de serpent vert fluo. Une mise en scène plus intimiste ou complètement barrée aurait pu servir une construction narrative moins éparpillée, et surtout surtout, une plus grande subtilité dans l'agenda à push. En somme, Blink Twice est un échec presque total, écrasé par son esthétique creuse, son rythme catastrophique et son discours social maladroit. Quelques instants de lucidité, comme la performance de Channing Tatum et la scène finale, ne suffisent pas à sauver un film qui reste essentiellement une perte de temps.
Alors non, les détracteurs de Blink Twice ne sont pas nécessairement sexistes, oui l'expérience de la vie de certaines femmes est réellement marquée par ces relations de pouvoirs et ces traumatismes, et oui, une belle mise en scène (dans le sens des beaux plans et des belles images) c'est super cool, ce qui est en dessous des attentes, c'est que pour aborder des thèmes aussi lourds, il faut y être sensible et ne pas simplement essayer de plaire à tout prix et de réunir un avis qui fait (en tout cas qui devrait faire l'unanimité), le viol s'est mal, les hommes sont des porcs et il faut cligner des yeux sinon c'est la conjonctivite.