Particulier le rapport que j’ai entretenu avec Blonde avant même qu’il ne sorte. D’abord absolument comblé par ce projet, aimant pas mal Ana de Armas et le travail d’Andrew Dominik, notamment L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, ensuite de plus en plus dubitatif, voire même apeuré.
Parce qu’entre l’annonce du projet et le jour de sa diffusion, plein de choses se sont passées, d’abord les polémiques autour du film. Va-t-il connaître la censure et les coupes suggérées par Netflix pour devenir un film plus soft ? est-ce-que Dominik réussira à imposer sa vision et nous offrir un film R-Rated ? Mais entre temps, j’ai aussi pu bien explorer la filmographie de Marilyn Monroe, la découvrir même, puisqu’il y a un peu plus d’un an je ne l’avais vu à l’œuvre que dans Certains l’aiment Chaud. Ma hype et mon perfectionnisme m’ont donc entraîné à découvrir ses films, les plus importants, comme certains plus méconnus. L’image que je me faisais de Marilyn n’est donc plus la même depuis un an et les rumeurs par rapport au film qui m’intriguaient, me faisaient à présent peur. Peur de voir un film utiliser l’image de l’icône pour son propre salut, avec un risque de bafouer, d’insulter Marilyn. D’autant qu’étant donné la nature du projet, l’adaptation du faux biopic de la star pouvait là encore me laisser perplexe.
Mais bon, malgré tout, j’ai fait le déplacement à Deauville, j’ai payé mes 40 euros de billet de train et mes 40 euros de séance étoile et j’ai foncé tête baissée. Et après 2h47, mon verdict tombe… c’était bien ce que je craignais.
Alors passons la cérémonie récompensant la splendide Ana de Armas et attaquons le film. Ce que je craignais s’est bel et bien réalisé. En adaptant, une fausse biographie, Dominik plonge dans les pensées fictives de Marilyn et traite beaucoup de rumeurs sur elle comme si elles étaient avérées. Sa relation avec JFK, son viol par un producteur à l’aube de sa carrière, des rumeurs jamais avérées par l’actrice ou ses proches, qui l’ont par ailleurs profondément affecté. Donc déjà ça c’est pas très nice Andrew, ton respect pour Marilyn est pas bien élevé. On peut aussi relever certains passages faux de sa vie, mais n’en tenons pas rigueur.
Encore une fois, ce n’est pas un biopic, juste une espèce de rêve fantasmé de ce qu’il devait se passer dans la tête de Monroe. Le fond est donc pas joli, qu’en est-il de la forme ?
Et bien, elle est assez bordélique. Dominik met dans ce film tout ce qu’il sait faire, on passe du noir et blanc à la couleur toutes les 10 minutes, on change de format d’image tout le temps, parfois au sein même d’une scène, on passe du Scope au 1.37 au 1.85. Pourquoi, allez-vous me dire ? un format d’image correspondrait-il à une humeur de Marilyn ? le scope pour la joie, le 1.37 pour les extraits de film ? serait-ce pour séparer les rêves de la réalité ? non. J’ai beau chercher, je ne vois pas à quoi tous ces changements de format correspondent. Je ne vois pas non plus pourquoi certains passages sont en couleurs et d’autres non. J’ai bien l’impression que Dominik essaye de coller à notre réalité, les photos et vidéos de Marilyn que l’on connaît en couleur sont en couleurs, pareil pour le noir et blanc. Cela n’explique pas les scènes dans l’intimité de Monroe qui elles aussi sont en couleurs ou non, cela a dû être décidé à pile ou face.
Un peu de points positifs maintenant, Ana de Armas incarne parfaitement l’icône, l'Oscar ne serait pas volé et même si la réalisation est bordélique, Dominik sait faire de belles images.
Fin des points positifs.
Parce que si Dominik sait faire de belles images, il sait aussi faire des images d’une vulgarité sans précédent que même Ruben Östlundne fait pas dans son Triangle of Sadness. Toujours dans une démarche de non-respect de Marilyn Monroe je suppose, on a en vrac, des plans où elle vomit et où la caméra est d’un point de vue subjectif du fond des toilettes, des gros plans sur Marilyn faisant des actes contre son gré (encore une fois jamais avérés) dont un immonde avec JFK. Et puis Dominik veut appuyer sur ces scènes, on ne retient donc que celles-ci à la fin du visionnage.
Vous l’aurez compris, Blonde est un film qui traite d’une partie (inventée) sombre de Monroe. On se plonge dans son esprit, dans ses névroses. Je vais critiquer quelque chose qui n’est peut-être pas une intention de Dominik mais que je suppose (j’invente, je me mets au même niveau que le film). Je suppose en effet, que l’un des buts du réalisateur était de critiquer la manière dont Hollywood a pu détruire la star (et tant d’autres) et là-dessus il se plante totalement. Certes il l’expose quelques scènes, mais jamais elle n’est la toile de fond de la folie de Marilyn. On a des petits passages furtifs, l’engueulade avec Wilder sur Certains l’aiment Chaud par exemple, qui apparaît au milieu de nulle part. Mais globalement, on fait bien comprendre au spectateur que ce qui la rend timbré, c’est ses aventures avec les hommes et son passé, son histoire avec ses parents. En voyant ce film, j’ai l’impression que ce sont ses fréquentations et le fait qu’elle soit trop fragile mentalement qui l’ont perdu, mais que Hollywood, c’est au second plan.
Quand est-ce que l’on comprend que l’industrie veut en faire une beauté idiote ? où est le passage où Arthur Miller fait un geste pour elle en écrivant le scénar des Désaxés ? Le passage avec Miller est d’ailleurs assez catastrophique, notamment car le film fait une sacrée ellipse entre 1955 et 1962 et occulte une partie quand même vachement importante de la vie de Marilyn.
Le film se veut trop sombre. La joie, le sourire est pourtant l’une des facettes importantes de Marilyn, son double-jeu entre le monde médiatique et sa vie privée. On le sait très bien que Marilyn était toujours souriante, radieuse durant ses apparitions en public. Voir des scènes en publiques, des projections de films où nous la voyons au fond moralement est assez inexplicable. Il y a Marilyn et il y a Norma Jeane, c’est assez explicité dans le film et pourtant on ne voit presque jamais Marilyn.
Andrew Dominik délivre avec Blonde un film sensationnel. Un film sur la folie, sur l’horreur d’être Marilyn Monroe. C’est aussi un film qui manque profondément de respect à cette icône, qui fait donc du sensationnel sur son image, sur une personne qui en a déjà assez souffert. Heureusement qu’elle nous a quitté, car je n’ai rien vu d’autre qu’un affront envers elle. Je ne peux pas croire que Dominik apprécie Monroe, et Ana, toi qui dit que tu sentis Marilyn auprès de toi durant le tournage, peut-être n’était-ce pas en bien.