Ce qui sauve "Blue Jasmine" à mes yeux, c'est son dénouement très sombre, sans pitié et sans compromis, qui donne de la consistance au portrait jusqu'ici doux-amer de l'héroïne, une grande bourgeoise déclassée.
Mais cette fin cruelle, qui concorde avec l'aigreur et le basculement psychique du personnage central, n'est pas franchement raccord avec la tonalité plutôt légère et humoristique de ce qui a précédé, et notamment ce regard satirique sur le petit peuple californien VS les new-yorkais de la haute, axé jusque là au moins autant sur l'humour que sur le malaise.
Personnellement je n'ai pas cru à ces personnages, en particulier les prolos, figurines caricaturales dénuées de chair (Bobby Cannavale, Sally Hawkins, les gamins forcément obèses).
Les autres personnages secondaires n'ont quant à eux pas assez de temps de présence pour exister véritablement (Louis CK, Alden Ehrenreich, Peter Sarsgaard…), confortant l'idée d'un petit théâtre de marionnettes, agitées mécaniquement par un Woody Allen en pilotage automatique.
Reste Cate Blanchett, qui signe en effet une prestation majuscule (récompensée de l'Oscar de la meilleure actrice en 2014), réussissant à provoquer un minimum d'empathie envers son personnage évidemment imbuvable.
Alec Baldwin tire également son épingle du jeu dans son costard d'escroc en col blanc, avatar de Bernard Madhoff.
Parmi les bons points, il faut aussi souligner la fluidité narrative du récit, avec une structure en flashbacks parfaitement intégrée à la mise en scène.
"Blue Jasmine" n'est donc pas une purge, simplement un titre de plus dans la filmo interminable de Woody Allen, qui met en évidence l'inspiration versatile du réalisateur new-yorkais depuis un certain temps.