Jeanette ou l' art de faire son propre malheur
Le New Yorkais et européen Woody Allen fait son come back dans le cinéma américain en expédiant son héroïne, belle plante de Park Avenue, sous le soleil de Californie dans la cool San Francisco.
Soi disant qu' elle va y reconstruire sa vie la Jasmine ( ou Jeanette ), trouvant refuge chez une sœur tout son opposé ( en apparence ), "oh c'est cosy chez toi" s'exclame-t-elle avec le peu de conviction qui lui reste.
La façon qu' a ce fourbe de Woody de nous présenter la déchéance qui l' a conduit là, annonce d'emblée la couleur, prière de ne pas se fier aux apparences...
Pour un vieillard, il a encore la forme le Woody tant le film conserve jusqu 'au bout un tempo aussi rapide qu'implacable, trop peut-être, pour nous empêcher d'avoir le temps de réfléchir à ses défauts.
Si l'on devait raconter l'histoire à plat, prenant le temps d'analyser les rebondissements, si on prenait le temps de s'intéresser aux personnages secondaires, nous serions invariablement déçus par de l'invraisemblance et du cliché; il convient de ne pas y accorder d'importance, prenant le film pour ce qu'il est, l’œil de la caméra révélant, tel un moraliste, comment une femme cultive depuis sa jeunesse l' art de faire son propre malheur.
Entre des études abandonnées, le choix d'un époux dont on devine qu' elle fut choisie plutôt que l'inverse, une vie mondaine entraperçue aussi futile qu'hypocrite réduisant à presque néant un semblant de vie familiale ( la visite de sa sœur à NY ), Woody nous dévoile comment cette femme sans racine solide s'est totalement investie dans l' image au point de ne pas savoir qui elle est, lorsque son petit monde s'écroule.
Sous l’œil du maitre de la petite touche ( mille petite touches valent mieux que de grands morceaux de bravoure ) nous découvrons mi-atterré mi-attristé, comment elle ne cesse de creuser son malheur à ne pas savoir qui elle est, j' eus sincèrement de la peine à la voir dans ses tentatives désespérées de reconstruction, et tandis que tout le monde ment aux autres par intérêt voire par instinct de survie, celle-ci y ajoute les mensonges qu' elle s'adresse à elle même, fermant les yeux sur les turpitudes de son mari, autant que sur ses profondes erreurs, comme si elle avait peur, peur de découvrir quelle immense looseuse infernale elle est, s'appliquant à coller cette étiquette sur le dos de sa sœur et ses hommes ( enfants compris )...
Tout le propos de Woody, dont il ne faut pas se méprendre, me semble résumé non en une scène centrée sur Jasmine, mais sur sa soeur, quand celle-ci découvre une vérité blessante. A mentir à soi même autant qu' aux autres, nous nous exposons à découvrir un jour la vérité sur une vie de survie, à moins d'être définitivement sauvé, enfermé dans une fuite vers la folie...
En quelques scènes parsemées de ci de là dans un film qui nous glisse entre les doigts, Woody règle son compte à beaucoup de soi disant grands cinéastes, il est et restera un grand cinéaste mineur. Clown ou Tchekhov de nos salles obscures, selon son humeur....
PS: la pire méprise serait de juger Jasmine.