Comme dans Assurance Sur La Mort, l'un des autres chefs d’œuvres de Wilder, le film commence par la fin. Une voix-off accompagne le descriptif de ce qui va se dérouler sous les yeux du spectateur témoin.
Un cadavre flotte dans une piscine, une prise de vue de dessous nous le présente suspendu dans sa fatalité.
Comme souvent chez cet auteur, c'est l'ironie du destin qui fait figure de morale à ses œuvres. Les héros sont souvent les victimes de leurs propres dérives, ici la vanité, et finissent par subir ses effets.
Sunset Boulevard, qui sonne comme un préambule au star-système conventionné sous le soleil Californien, suit les déambulations d'un jeune scénariste fauché, interprété par William Holden, tentant vainement d'imposer ses scripts à des producteurs qui lui font comprendre qu'il ne fait qu'entretenir une vaste illusion quant à ses talents d'auteur. Tentant d'échapper à ses dettes, il se retrouve dans une vaste demeure qui semble abandonnée, sauf qu'y réside une ex-star déchue et son majordome.
Film sur la vanité et la réussite à tout prix, il est également un puissant pamphlet contre la machine à broyer Hollywoodienne, fabricant des étoiles d'un jour et délaissant ses anciennes gloires à leurs illusions d'hier chantant.
Dans le rôle de l'ex-star du muet, l'extraordinaire Gloria Swanson réussit une performance de très haut niveau, tantôt gracieuse, tantôt inquiétante, toujours élégante mais amoindrie par les effets du temps. Souvent émouvante, elle entretient l'illusion d'un présent lié à son passé de star montante dans cet univers impitoyable ou même ses illustres amis réalisateurs, le personnage de Cecil B. DeMille étant ici interprété par lui-même, l'ont totalement oubliée, mais continue à lui faire croire qu'elle existe encore.
Accompagnée d'un majordome, à qui un Erich von Stroheim froid et dévoué prête ses traîts, mettant en scène ses propres illusions et entretenant ce doux espoir d'être encore une star adulée, l'étoile du passé renaît l'espace de quelques moments de grâce, il faut la voir descendre les escaliers de sa vaste demeure avec son porte-cigarette à la main, éclairée par un projecteur.
Mise en scène énergisante et science du découpage, n'omettant jamais de faire vivre ses plans avec une sorte de maestria touchant au suprême, le grand Billy Wilder réussit à peu près sur toute la ligne avec cette mise en abîme méthodique et non dénuée d'une ironie toujours délicieuse et grinçante, du doux rêve Hollywoodien. Filmé avec toujours un coup d'avance, ce réalisateur possède un véritable génie à faire vivre une scène sans jamais s'en départir tout en pensant déjà celle d'après, Sunset Boulevard est, une fois n'est pas coutume, encore une grande réussite de la part d'un métronome du 7ème art. De ces réalisateurs qui ont toujours su imprimer leurs œuvres d'une aura supérieure, au-delà du simple déroulement scénaristique.
Touchant à plusieurs genres, ça commence comme un film-noir, on plonge subitement dans l'univers gothique des films d'horreur de la Universal, pour faire dans l'étude psychologique et conclure dans un patchwork méthodique et toujours divin de toute l'alchimie que confère le cinéma, la grâce et le ravissement d'instants en suspend au-delà de la simple description confinant à cet objet là, le statut d'incontournable.