"Café Lumière" se présente réalisé "en hommage au 100ème de Yasujiro Ozu".
Un peu plus loin, il est dit que c'est le 116ème anniversaire de l'inauguration du premier chemin de fer. C'est plutôt le deuxième événement qui l'objet véritable d'une célébration. La sensation d'avoir passé presque la durée du film dans des trains, des gares, des tramways, des bus est à la longue usante. Le Tokyo de 2002 a évidemment bien changé par rapport à celui que décrivait Ozu, aussi bien dans les rapports humains que dans l'architecture générale de la ville. Ozu filmait principalement des intérieurs très stylisés, où des familles traditionnelles évoluaient, dans des huis clos bavards et resserrés et il jouait avec virtuosité avec l'architecture du lieu ; ici ce sont des intérieurs saturés d'objets de consommation, où une famille recomposée souffrant d'incommunicabilité, semble subir l'émancipation du principal personnage féminin, Yoko. Les scènes sont courtes et peu bavardes. Hou Hsiao-hsien privilégie le plein air, souvent par des plans larges, d'un réalisme cru (Ozu s'aventurait parcimonieusement au dehors), l'extérieur y est complètement surexposé (je dois avoir un problème de vue, tous les films que je vois en ce moment sont surexposés:)), et la lumière irradie parfois à l'intérieur (beaucoup de scènes se passent dans des cafés), ce qui crée de beaux effets. Yoko a un ami, qui s'intéresse aux trains, en fait des images numériques, et va jusqu'à enregistrer leurs bruits... Yoko enquête vaguement sur un pianiste "ancien" qu'elle apprécie, mais sa quête revêt un caractère anecdotique, dénué d'affects. La rencontre avec la veuve du musicien en est un exemple. Tout semble glisser sur ce personnage énigmatique, que l'on quittera subitement, un peu circonspect. Cet hommage à Ozu est pour moi un fâcheux contresens . Surtout que Hou Hsiao-hsien avait tourné juste auparavant deux chefs-d'oeuvres :"Les fleurs de Shanghaï" et "Millennium Mambo" et qu'ensuite, il tournera "Three times"...