Nous sommes en 1935, en plein New-Deal, et Captain Blood porte la trace de la transition entre les gouvernements Hoover et Roosevelt. Ne cherchez pas la pertinence d'un propos politique, tout ici est noyé dans la naïveté et l'optimisme d'une époque qui cherche absolument de l'espoir et l'unification d'un peuple mis à mal par la dépression d'une part et la répression des mécontentements de l'autre. C'est ainsi que Blood, prenant conscience de l'injustice de la société dans laquelle il vit, va être conduit à la rébellion. Rien n'est politique ici, tout n'est que concours de circonstances, et le rebelle n'est que le produit de l'injustice, dont le sentiment lui est immanent. Ainsi toute la vocation de pirate n'est que le produit d'une erreur initiale, mais pas ontologique, dont la réparation entraîne le retour à la normale. C'est comme cela que sur les séquelles de la crise, le cinéma américain construit la possibilité d'une réconciliation, passant outre les questions politiques que celle-ci avait soulevées et prend la mesure de la menace socialiste, que donne exemplairement la loi sur le bateau pirate, en la réduisant à une circonstance fâcheuse dont on ne saurait blâmer légitimement les prédicateurs qui ne sont que de bons citoyens égarés sur les voies belliqueuses d'une idéologie délétère. D'ailleurs notre Capitaine ne s'empresse-t-il pas de rétablir, par l'intermédiaire d'une nouvelle distribution (new deal) des richesses, l'ordre traditionnel sur son bateau ? Le système n'est pas mauvais en soi, c'est l'homme qui en est à la tête qui en détermine la valeur, et ceci à l'image du Roi d'Angleterre dont le renversement signe pour Blood et les siens la terminaison de l'errance. Encore ce thème cher à l'Amérique de la possibilité d'un retour chez soi, lieu moins géographique que moral, le retour à l'état de grâce dans le giron de la nation. Evidemment, la reconstitution du XVIIème siècle n'intéresse pas vraiment le cinéma américain qui ne trouve ici qu'un prétexte à la réconciliation nationale et dans l'affabulation un précédent prestigieux sinon historique.
Malgré ces défauts qui plombent le film et menacent perpétuellement de le faire sombrer dans l'idiotie la plus crasse, il faudrait être atteint d'une morosité accablante pour ne pas être séduit immédiatement par l'évidence de sa beauté, à l'image de son couple d'interprètes Errol Flynn et Olivia de Havilland, et par la puissance spectaculaire de ses scènes d'action. Véritable parangon, Captain Blood aura fixé dès les années 1930 les codes d'un genre dont les avatars successifs sont condamnés depuis ou à la répétition ou à la parodie. Tout cela contribue à faire de ce grand film d'aventure un très bon divertissement, indémodable.