De Samuel Benchetrit, je n'avais vu qu' « Asphalte » et « Chez Gino », soit l'un très apprécié et l'autre... nettement moins. L'idée de « Cette musique ne joue pour personne » est un peu similaire au premier, du moins au niveau du concept. Cette fois, ce n'est pas la région parisienne, mais le Nord de la France qui est le décor de ce « film choral sans l'être » atypique, où il se passe beaucoup et peu de choses à la fois (surtout peu), mais où le charme et la poésie du réalisateur font incontestablement leur effet. Cela n'a l'air de rien, mais il y a un sens des situations, du décalage, du burlesque discret qui fonctionne pleinement, amenant l'ensemble dans des directions parfois attendues, parfois moins, portant un regard d'une infinie tendresse sur ce qui aurait pu être une énième histoire infiniment banale de gangsters en pleine « rédemption » suite à une rencontre providentielle (rédemption avec vraiment plusieurs guillemets!!).
Pas de grands discours pompeux ou de grandes leçons sur la vie, libre à chacun de se reconnaître (ou pas!) dans l'approche de chaque protagoniste, laissant la place à quelques échanges surréalistes, presque tarantinesques, à commencer par ceux entre Bouli Lanners et JoeyStarr, offrant probablement ses meilleurs moments à l'œuvre, histoire d'Éric Lamb comprise (ceux qui l'ont vu comprendront!). L'interprétation est dans son ensemble très réussie (et ce festival de gueules!), certains apparaissant plus à leur place que d'autres mais se fondant souvent bien dans l'univers du réalisateur, dont cette improbable (et involontairement très drôle)
comédie musicale consacrée à Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre
est probablement le meilleur exemple.
Je regrette, quand même, que l'auteur de « J'ai toujours rêvé d'être un gangster » n'ait quand même pas fait l'effort d'un récit plus construit, consistant, et s'il y a un vrai fil conducteur avec une suite logique de scènes, difficile de parler de récit à proprement parler, presque déconstruit par moments (coucou Sandrine Rousseau), si bien que l'on ne s'implique pas autant qu'on l'aurait souhaité, le manque de densité ou d'enjeux réels se faisant parfois ressentir. Maintenant, au moins Samuel Benchetrit peut-il se vanter de sortir des sentiers battus, d'aimer ses personnages, de porter un vrai regard sur eux tout en les plaçant dans un cadre singulier : rien que pour ça, je ne regrette pas un instant le déplacement.
PS : pour la première fois depuis... quinze ans, j'étais le seul spectateur dans la salle : cette séance a donc failli ne vraiment jouer pour personne, et c'eut été bien dommage !