Neil Blomkamp , acte III. Après un « District 9 » qui m’avait époustouflé et un « Elysium » que j’avais trouvé bien plus convenu et répétitif à l’égard de son prédécesseur, ce troisième film, « Chappie », était l’occasion pour moi de voir si le réalisateur sud-africain avait déjà atteint ses limites ou si, au contraire, il en avait encore sous le capot. Eh bien j’aurais envie de dire « un peu des deux », même si, l’un dans l’autre, je dois quand même avouer que c’est bien le plaisir qui a pris le dessus au final. Parce que oui, déjà, sur le plan formel, Neil Blomkamp reste Neil Blomkamp. Visuellement, je trouve ça irréprochable. Non seulement je considère que ce gars est aujourd’hui l’un – si ce n’est le – réalisateur qui sait le mieux marier les prises de vues réelles aux incrustations d’images de synthèse, mais en plus je trouve qu’il maitrise vraiment bien cet équilibre entre d’un côté une caméra au point très nerveuse et de l’autre des plans nets, bien montés, sachant parfaitement respecter la cohérence de son espace de cinéma, tout en sachant se faire rigoureux sur le rythme et la finalité de chaque scène. Seulement voilà, la richesse de forme ne fonctionne vraiment que lorsqu’elle est en adéquation avec une richesse de fond, et c’est sur ce point que « Chappie » traîne quelques scories de « District 9 » et « d’Elysium » que j’aurais préféré ne pas retrouver. Parce que oui, comme dans les deux précédents films de l’ami Neil, on aura encore le droit à cet archétype bien caricatural du méchant brutal et très bas du casque, tout comme on aura aussi le droit à cette définition très grossière de la grosse méchante multinationale de riches inhumains, sans oublier cette tendance qu’à Blomkamp à surcharger en musique et en jeu d’acteur les scènes qu’il juge (à tort) plus faible en intensité. A cela s'ajoute en plus quelques liants qui ne fonctionnent pas toujours comme l'introduction de ce groupe de bad-guys que je n'arrive pas à prendre de manière crédible, ainsi que la manière très artificielle de faire se rencontrer tout ce petit monde afin que le film se lance vraiment. Mais bon, si je précise tout cela, c’est juste que j’enrage un peu que toutes ces aspérités m’aient quelques fois sorti de mon trip ! Parce que oui, au-delà de tout ça, ce film, ça reste quand même un truc très intéressant ! Mais par tous les dieux, que ce concept de « Chappie » est inventif ! Et d'une certaine manière, qu’il est plaisant malgré tout d’avoir saupoudré tout cela d’un brin de loufoquerie et de second degré ! Et quel plaisir aussi de constater que l'intrigue s'ancre dans la plus pure tradition de la vraie science-fiction : celle qui rend concrète et accessible à tous des mécaniques humaines ou sociales ! (Bon c’est pas du Bourdieu non plus, mais en à peine deux heures, c’est quand même pas mal non plus !) Mais surtout, quel pied quand même parfois… Quel pied face à cet élan ! Et c’est là que je le trouve toujours aussi bon ce Neil Blomkamp ! C’est un peu toujours la même structure ses dynamiques finales, mais c’est tellement ce que j’aime, que je ne peux pas lui en vouloir ! Au contraire ! Moi, depuis « District 9 », j’avoue que je vais voir un film de l’ami Neil dans l’espoir de retrouver cette logique de climax final d’adrénaline et d’émotion. Là encore, dans « Chappie », j’ai retrouvé cette explosion finale. Et là elle fonctionne d’autant plus, que Blomkamp ne loupe vraiment pas les moments clefs de son film, et sait imbriquer tout ça dans un élan que, moi, j’ai trouvé quand même maîtrisé, d'où mon impression positive finale. Alors oui, il a des défauts ce « Chappie », et moi-même je me dis parfois que j’aimerais avoir accès aux pellicules originales pour retirer quelques musiques criardes ou redoubler quelques dialogues inutilement caricaturaux… Mais bon, derrière tout ça il y a malgré tout du grand spectacle comme il est rare d'en voir, et surtout il y a du savoir-faire ; il y a l’expression d’un gars qui a son univers et sa sensibilité. Or, moi, rien que pour ça, je dis « bravo » et surtout je dis « merci »…