Chaque réalisateur a son truc, sa signature qu'il appose dans chaque élément de chacun de ses films. Et celle de Gaspar Noé est assez facilement identifiable : le choc. Le besoin irrépressible d'attraper le spectateur par le col, de le secouer dans tous les sens et de le laisser traumatisé, recroquevillé sur son fauteuil. Et si Noé s'est souvent perdu en cherchant à provoquer son public de façon très artificielle, il semble aujourd'hui s'ouvrir à un nouvel horizon, et livre avec Climax un film très surprenant.
Malgré un début des plus surfaits (un générique de fin en ouverture car le film s'ouvre sur sa conclusion), Climax dévoile très vite une énergie hors du commun, dès lors qu'il s'agit de filmer les chorégraphies endiablées de la joyeuse troupe de danseurs qui seront le point central de l'intrigue. Drogués à leur insu (on ne sait pas trop par quoi d'ailleurs), les artistes font vite éclater au grand jour la fragilité accablante de leur troupe : rivalités artistiques, histoires de coucheries, frustration sexuelle et guerre d'ego, les cœurs s'échauffent et s'affrontent dès lors que les corps cessent de bouger.
Tout au long de ce trip hallucinogène étonnamment soft (quasiment aucune nudité dans le film, par ailleurs l'un des moins gores de son auteur), Noé décortique, par le biais de longs plan-séquences, le pouvoir du corps. Qu'il s'agisse de séduction ou d'affrontement, tout amène vers l'exaltation corporelle. D'ailleurs, au fur et à mesure que les personnages sombrent dans leur délire stupéfiant, l'énergie de la danse devient non plus un exutoire mais l'impact d'une âme tourmentée sur son enveloppe charnelle - en témoigne une séquence hallucinante où Sofia Boutella, comme hypnotisée, se déchaîne à corps et à cris jusqu'à l'épuisement.
Gaspar Noé oblige, le film n'évite certains écueils navrants (des cartons de texte d'une niaiserie consommée, des dialogues pauvres, des scènes étirées jusqu'à devenir insupportables). Mais pour peu qu'on accepte ces défauts, le film prend une tournure plus profonde, quasi-mystique. Si il échoue systématiquement à chaque fois qu'il cherche à nous choquer, le film parvient en revanche à nous faire voyager, même le voyage est souvent cauchemardesque. Et c'est toujours ça de pris.