Palme d’Or, Gene Hackman, Coppola dans sa meilleure période (selon moi)… de quoi passer une belle soirée sur le papier !
L’idée est intéressante. Harry Caul, campé par Gene Hackman, oeuvre en tant qu’espion privé à qui on a commandé des écoutes sur un couple évoluant sur une place bondée.
On passe plusieurs minutes à suivre des bouts de conversations, coupées par tel ou tel obstacle, sans vraiment comprendre ce qui se passe (le travail sur la mise en scène et le son est d’ailleurs excellent).
Caul passe ensuite sur sa table de mixage avant de livrer la commande : bricolant les potards sur 3 bandes ayant capturé le son à partir d’angles différents, Caul parvient à retranscrire la quasi totalité de la conversation. La scène, brillamment mixée et montée, est un modèle du genre !
La conversation n’a pas beaucoup de sens, elle semble codée. Il en manque des petites parties encore brouillées, qui mériteraient un traitement plus poussé, le tout sans contexte… Caul doute. Doit-il livrer les bandes ? Que va-t-il arriver au couple épié ?
En se concentrant sur Caul, Coppola tente d’esquisser la vie d’un personnage loin du monde, qui épie les gens à leur insu, uniquement par le son. On découvre la vie sentimentale et amicale d’un grand solitaire, la passion d’un grand solitaire… Caul est chiant, il a une vie chiante, son histoire est chiante, le spectateur ne ressent rien pour lui.
Pour une raison qui m’échappe à cet instant du film (et sera brièvement expédiée lors d’une fête improvisée - surprenante - car hébergée par un homme qui ne supporte pas la moindre intrusion dans sa vie privée), Caul se sent impliqué par le destin des deux tourtereaux qu’il a espionnés.
En repoussant les enjeux et les explications, Coppola amène son spectateur à errer dans un récit sans rythme et sans sens : on ne comprend pas « pourquoi » et, pire, on s’en fiche.
Le fondement du thriller, et du récit d’une manière générale, est la tension que doit ressentir le lecteur/spectateur. Coppola aurait pu amener son personnage à suivre, même brièvement, ses sujets dans l’expression d’une curiosité malsaine. Il aurait pu voir des choses qui, mal interprétées, l’auraient conforté dans ce besoin d’enquête et de résistance et l’auraient emmené toujours plus loin, faisant la bascule. On ne compte plus les chefs d’oeuvre du genre, plus ou moins récents, où le spectateur est emmené, à travers ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il ressent… dans le délire du personnage principal et perd pied, jusqu’au twist.
En se cantonnant à l’écoute initiale, le spectateur ne voit rien de plus, n’entend rien de plus, ne pense rien de plus… il assiste passivement au délire inexpliquée d’un personnage antipathique.
J’ai donc traversé le film sans me soucier de ce qui pouvait arriver aux personnages.
J'étais persuadé qu'il ne leur arriverait rien... et pour cause, il ne leur arrive rien, le personnage en danger est découvert dans les 10 dernières minutes…
La musique jazz n'aide pas à rythmer.
J'admire l'exercice de style, je comprends le choix de cet angle. En théorie c'est top. En théorie...