Je voulais lire le roman avant, je me suis mal organisé : c'est donc relativement « neutre » que je me présentais devant « Couleurs de l'incendie ». Enfin, neutre... Pas vraiment, tant j'apprécie beaucoup Pierre Lemaître et en particulier « Au revoir là-haut », dont celui-ci est donc la « suite », du moins concernant les événements puisqu'il ne reste plus qu'un seul personnage commun. Bref ! C'était plutôt pas mal, voire pas mal du tout, malgré un dernier tiers moins stimulant, notamment la partie « allemande ». Étrange idée que d'avoir confier la réalisation à Clovis Cornillac, ce dernier se révélant toutefois un habile artisan ici, s'offrant même quelques audaces, principalement cette scène d'introduction intégralement tournée en plan-séquence et faisant son petit effet.
Voyage souvent très immersif dans le Paris de la Belle Époque, ce récit au fond assez classique s'avère régulièrement plaisant, foisonnant, que ce soit dans son récit comme ses personnages, ne cherchant jamais à idéaliser qui que ce soit. Certes, il y a les gentils et les méchants, mais cela reste suffisamment habile et bien mené pour que cela ne vire jamais au manichéisme complet, quitte à même montrer un peu trop d'indulgence vis-à-vis de certains protagonistes (Léonce en tête). Se promenant entre faits historiques réels et d'autres plus fantaisistes, cette histoire de vengeance implacable, thème omniprésent dans l'œuvre de Lemaître, est ici appuyée par une mécanique particulièrement habile, où chaque élément est habilement pensée pour former un puzzle complet : l'écrivain est également auteur du scénario, et cela se ressent.
Après, une fois encore, je trouve que la machine s'enraye un peu lors du voyage outre-Rhin, nous permettant, certes, de « visiter » les débuts (déjà très inquiétants) du nazisme, sans retrouver l'efficacité ressentie précédemment, malgré un réel moment de grâce
(la prière des hébreux « Via, pensero » devant une assistance médusée).
D'ailleurs, si je devais révéler mon ressenti précis, ma note serait certainement de 6,5. Reste qu'il y a vraiment de quoi se retrouver dans cette logique de roman-feuilleton très assumée et, surtout, souvent maîtrisée, avec ce qu'il faut de panache et de péripéties (malgré un léger manque de suspense?) pour nous embarquer 130 minutes durant, que l'on aurait même aimé voir se prolonger un petit moment. Interprétation solide, homogène et sans fausse note, à défaut d'être exceptionnelle. Du cinéma populaire au sens noble du terme, non sans quelques réserves, mais renouant avec une sensation indispensable et beaucoup trop souvent oubliée ces dernières années : le plaisir.