Comme un écho au crépuscule des dieux si cher à Wagner, répond ce film nous plongeant dans le chaos de la fin annoncée de l’armée allemande illustrée ici par les derniers jours de l’agonie d’une unité démembrée sur le front russe.


Depuis longtemps gagnée par la désillusion, le commandement de cette dernière, qui consciente de sa prochaine et inexorable défaite face au pilonnage incessant de l’armée soviétique, cherche à sauver ce qui peut l’être et à convaincre un état major perdu dans ses idéaux conquérants que la retraite doit être ordonnée, se voit adjoindre un nouveau capitaine fraîchement muté à sa propre demande après un séjour qu’il jugeait ennuyeux en France dans le but avoué d’obtenir la plus haute distinction militaire qui soit, La Croix de fer, ceci afin de satisfaire sa soif de gloire et sa vision de classe sociale, le capitaine Stransky.


Cet objectif de triomphe égoïste se construira sur de la manipulation, du mensonge, de la corruption et du chantage notamment auprès de deux subalternes qu’il menacera de pendaison après avoir découvert leur homosexualité et qu’il poussera à fournir des faux témoignages d’exploits et d’actions courageuses qui n’ont jamais eu lieu.

Dès lors s’opposeront la vision idéalisée de la guerre et du devoir militaire qui prévalaient à l’arrière et l’opinion désabusée de ceux qui sur le front et sous les bombes ont depuis longtemps compris le stérile et l’inutile de ces croyances. Ces hommes ne croient plus en leurs supérieurs qui depuis les ors des palais des états majors n’ont aucune conscience de la réalité et de la brutalité des tranchées boueuses de sang dans lesquelles ils pataugent. Et lorsque les accents guerriers du nouveau capitaine peinent à dissimuler son incompétence et sa peur lors des bombardements ce dernier n’a d’autre réponse à fournir que son appartenance à une classe sociale dominante à un roman prussien et aristocratique qui enjoindraient les autres à lui obéir et à accepter leurs positions inférieures.


C’est là que la figure du sergent Steiner intervient, elle cristallisera autant l’admiration des hommes qui sous son commandement traverseront cette épreuve, le respect de ses supérieurs présents avec lui et son unité dans le chaos de la guerre.


C’est donc cette opposition à la fois d’hommes mais aussi de classe et d’idéaux militaires contre idéaux humanistes qui sont développées qui forme le fil rouge du film.

La mise en scène de Sam PECKINPAH use et abuse de ce qui a caractérisé son cinéma jusqu’ici, l’utilisation des ralentis et un réalisme viscérale dans l’art de montrer les conséquences sur les corps des balles, obus de mortier et autres explosions qui jalonnent la vie des soldats en première ligne, mais si cette esthétique qui préfigure déjà ce que seront des œuvres comme Platoon (1986) ou le cinéma de cinéastes comme Quentin TARANTINO ou Takeshi KITANO peut ne sembler qu’un simple exercice de style déjà éculé par le cinéaste, une sorte de signature apposée là comme une obligation de mise en scène, sert en réalité à figurer d’une part tout ce qui fait partie du hors cadre et à nous imprégner de la désillusion absolue qui parcours le film.


Désillusion et même prise de conscience, lorsque suite à une blessure à la tête le sergent Steiner se retrouve en convalescence à l’arrière et où sa vision altérée alterne les vues des comportements cyniques et criminels des hauts gradés qui n’ont jamais subi les horreurs du champ de bataille à des épisodes hallucinatoires induits par les souvenirs des traumatismes qu’il y a subi, le pousse à repartir pour sortir ses hommes de la, et pour définitivement empêcher le dessein de ce capitaine dans un ultime face à face où la détestable nature de ce dernier achèvera cet opéra wagnérien, le rire nerveux qui clôt ainsi le film signant la mort des dieux et des Ases du wallahalla .

Spectateur-Lambda
8

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Créée

le 16 oct. 2022

Modifiée

le 16 oct. 2022

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