The King is not England, and England is not the King
J'ai totalement été surpris lorsque j'ai lu sur IMDb que le réalisateur-scénariste Ken Hughes avait mis près de 10 ans à préparer son film et avait lu près de 120 livres sur le sujet. Pour moi, ce n'est pas le film d'un homme qui donne l'impression de connaître par cœur une période trouble, unique et marquante de l'Histoire de l'Angleterre, d'un homme qui connaît son Cromwell jusqu'au bout des doigts.
Je ne reprocherai jamais à un film historique de faire des infidélités à la réalité. Je sais pertinemment que cinéma et histoire sont deux mondes différents. Il faut bien faire des recettes, surtout avec un très gros budget, et pour cela, il faut rendre le film le plus "séduisant" possible. Et je pense que cela nécessite quelques concessions avec la vérité historique.
Donc, je ne reprocherai pas à ce film de donner l'impression que Cromwell a mené, tout seul, du début jusqu'à la fin la Première révolution anglaise, les autres participants ne faisant qu'apporter les sandwichs ; après tout, c'est lui notre protagoniste, il faut le mettre en avant le plus possible. Par contre, ce que je lui reprocherai, c'est son simplisme, c'est le fait que Cromwell apparaisse comme une espèce de Robin de Bois, qui veut l'égalité sociale, la démocratie et qui ne devient tyran qu'à l'insu de son plein gré.
Qu'on l'admire ou qu'on le déteste (kiffe pas trop ce qu'il a fait en Irlande, événements qui ne seront jamais abordés, d'une manière ou d'une autre, dans le film ; ben oui, Robin des Bois, il ne massacre pas des civils innocents, femmes et enfants compris !), l'aussi implacable qu'austère Cromwell était à mille lieues de cela. Qu'on l'admire ou qu'on le déteste, Old Ironsides (doux surnom !) est incontestablement une des figures historiques les plus fascinantes de tous les temps, un homme au destin incroyable (et le mot est faible !). Une figure complexe qui, dans toute sa complexité, aurait pu donner lieu à un film passionnant. Ben oui, on peut faire un film complexe et passionnant, ce n'est pas incompatible.
Certes, le film est divertissant. On ne s'ennuie pas du tout pendant les plus de deux heures de l'ensemble, mais c'est décevant. D'autant plus que Richard Harris, dans la peau de notre personnage (même si le vrai Cromwell était nettement plus affable !), et surtout Alec Guinness, dans le rôle de Charles Ier (c'est incroyable de se dire que la France n'a pas été le premier pays à couper la tête d'un roi et c'est fou comme Guinness est le sosie du véritable monarque !), sont magistraux, ayant l'occasion de dire quelques dialogues inspirés (on peut, au moins, mettre cela au crédit du réalisateur-scénariste !). Ils sont les meilleures raisons de regarder le film. Cela aurait été vraiment génial de voir les mêmes interprétations avec les mêmes dialogues dans un meilleur film.
On peut citer aussi comme autres points positifs, les décors et les costumes (une bonne partie du budget a dû passer dans les vêtements et les chapeaux noirs ; si vous aimez les couleurs flashy, ce film n'est pas fait pour vous !) qui donnent lieu à une reconstitution très imposante.
Mais, voilà, ces quelques qualités ne suffisent pas. La vie exceptionnelle d'un homme, qui a à jamais changé la face de son pays et du monde, qui a à jamais changé la face de l'humanité, en prouvant qu'un roi n'était pas une figure intouchable et immortelle, en prouvant qu'un homme d'origine modeste pouvait atteindre le pouvoir suprême et le conserver, devenant roi (changeant juste le nom du titre !) à la place du roi, aurait mérité beaucoup mieux. Il y avait largement de quoi faire un chef-d'œuvre profond et mémorable.