Depuis une grosse dizaine d'années, Disney persiste à vouloir (re)transformer ses fabuleux classiques d'animations, qui ont marqué (et marquent encore) des générations, en adaptant ces films en live action, avec des modifications ("Aladdin" de Guy Ritchie, sorti en 2019) ou des simples copies ("La Belle et la Bête" de Bill Condon, sorti en 2017 ; "Le Roi Lion" de Jon Favreau, sorti en 2019). Aujourd'hui, une dizaine de film sont en attente de sortie, en production, en tournage, ou de simples projets... Il est amusant de se dire que l'une des toutes premières adaptation en live action était "Les 101 Dalmatiens" de Stephen Herek (1996), à partir du film sorti en 1961, avec Glenn Close interprétant l'antagoniste, Cruella d'Enfer. Aujourd'hui, 25 ans plus tard, les studios Disney ont décidé de s'intéresser particulièrement à cette dernière, et décident donc de faire une pré-quelle, "Cruella", réalisé par Craig Gillespie.


Années 1970 : Estrella est une jeune fille intelligente, partagée entre une part "normale" et une part sombre qu'elle tente de contrôler. Après la mort de sa mère, elle parvient à rejoindre à Londres, et fait la rencontre de deux escrocs, Jasper et Horace. Les trois enfants mènent une vie de truand, et grandissent ensemble. Mais passionnée de mode, Estrella fait tout pour entrer dans ce monde. Elle rencontre un jour la Baronne Von Hellman, à qui elle voue un culte. Cependant, d'étonnantes révélations sur leurs passés respectifs vont entrainer la prise de pouvoir de la part sombre d'Estrella, et petit-à-petit sa transformation en Cruella...


A titre personnel, j'ai réellement du mal avec la politique Disney actuelle, de vouloir retransformer tous leurs classiques (et chefs d'oeuvre) avec des live action, simples remake sans intérêt. A part "Aladdin" qui m'a à peu près convaincu, les autres films sont mauvais et/ou inintéressants à mes yeux. Je suis donc allé voir "Cruella" en trainant des pieds... Mais j'y retournerai en courant, et avec plaisir ! Quel film ! Enfin un live action qui a du sens, de l'intérêt, de l'intelligence. Si la raison est évidente (il ne s'agit pas d'un simple remake, mais bien d'une pré-quelle), il n'en demeure pas moins qu'il s'agissait d'un projet dangereux, et il évite tous les défauts de ses prédécesseurs (notamment "Maléfique", sorti en 2014, qui a été créé dans la même lignée, à savoir s'intéresser aux origines d'un méchant célèbre de Disney, en l'occurrence Maléfique, présente dans le superbe "La Belle au bois dormant"). Donc, rien que pour cela, il convient de féliciter le studio, et le réalisateur, Craig Gillespie.


Ce dernier réalise un film plein de maitrise, dans tous ses aspects. Il choisit des plans très larges, offrant énormément de choses à voir au spectateur, qui peut se délecter et découvrir le monde de la mode de la meilleure manière possible. Certains plans de caméras sont extrêmement bien choisis, osés, et le tout fonctionne parfaitement.
Le scénario est également très bon : si quelques longueurs classiques sont présentes, elles n'enlèvent rien à l'intérêt que l'on éprouve pour ces personnages, et à notre volonté de suivre leurs (més)aventures. Par ailleurs, les références faites au film original "Les 101 Dalmatiens" sont pour la plupart subtiles et bien trouvées et placées.
Les costumes sont sublimes, avec beaucoup de couleurs, et le style des années 1970 est très bien marqué, et le maquillage et les coiffures sont également très bien faits (cela fait d'ailleurs a minima 2 Oscars qui semblent être promis au film en 2022).
Enfin, la bande originale, menée par Nicholas Britell, est excellente, avec un thème assez froid, plusieurs fois repris au cours du film, mais qui est très envoutant. Cependant, au-delà de cette composition originale, on peut également noter la présence d'un très grand nombre de musiques inscrites dans la pop culture des années 1970, et encore actuelle, qui permettent clairement d'identifier le contexte du film, et qui s'inscrivent également dans le caractère des personnages.


Ces personnages sont portés par des acteurs (et surtout actrices en l'occurrence) brillantissimes. Commençons évidemment par l'actrice principale, Emma Stone, qui interprète avec brio le rôle-titre, et démontre qu'elle fait partie des meilleures actrices de sa génération, et même tout simplement des meilleures actrices du monde. Son sens de la mimique, de la vanne, et sa folie quasi naturelle permettent de développer un personnage très intéressant.
Aussi, Emma Thompson, dans le rôle de la Baronne, est également excellente, mais comme c'est toujours le cas, ce n'est pas une surprise. Il s'agit en revanche d'un réel plaisir et bonheur de la voir dans un registre très différent de ce qu'elle propose habituellement.
Enfin, tous les seconds rôles (Mark Strong, Joel Fry, Paul Walter Hauser, John McCrea, Kirby Howell-Baptiste) sont également très convaincants, il n'y a rien à signaler, la direction des acteurs est une nouvelle fois exemplaire.


Quelques petits reproches peuvent cependant être faits au film, mais certains d'entre eux méritent d'être atténué, en fonction de ce que Disney va proposer à l'avenir. Concernant les défauts propres au film, il est un peu long. Aussi, les dalmatiens, faits à l'ordinateur, sont très peu convaincants, tout comme certains décors, notamment le manoir de la Baronne.
De plus, le principal défaut est le traitement du personnage de Cruella : en effet, le film ne parle pas de Cruella d'Enfer, telle qu'on la connait dans le dessin animé original : déjà, il manque sa cigarette et sa fourrure caractéristiques (qui aurait pu être utiles pour étoffer le personnage), à cause des nouvelles politiques de Disney ; mais surtout, il manque sa méchanceté naturelle. Le personnage présenté dans le film est fou, mais pas (assez) méchant. Et c'est ce qui manque au film pour être parfaitement crédible, et même tout simplement parfait. Mais cette affirmation peut être contredite par Disney, en fonction de leurs projets : en effet, le film ouvre très clairement une suite. Mais 2 suites semblent possibles : soit Disney décide de faire une suite qui s'apparentera à un remake clair et net du film "Les 101 Dalmatiens", ce qui serait inutile et donc très décevant ; soit Disney décide de continuer à s'intéresser uniquement au personnage de Cruella, d'étudier sa psychologie, et d'insister sur l'évolution de sa méchanceté, pour la faire ressembler au personnage du dessin animé (ce qui permettrait donc de mieux comprendre la démonstration limitée de la méchanceté de Cruella dans ce film). Si les deux options sont possibles, à titre personnel, j'opte sans discussion pour la seconde. Mais il convient de voir si un deuxième film verra vraiment le jour ou pas.


Quoiqu'il en soit, malgré ses quelques défauts, ce film est une réelle réussite, et donc une bonne surprise. Le traitement du personnage de Cruella d'Enfer, méchant emblématique de Disney, est très intéressant, et le film est soigné. Cela fait plaisir de voir enfin un live action qui a un réel intérêt autre que le profit. A voir si la suite éventuelle permettra de compléter ce (premier) film, et si les futurs projets prendront exemple sur Cruella. Car voir un film de la sorte, c'est d'enfer !

HugoDe_Ranter
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2021

Créée

le 4 juil. 2021

Critique lue 411 fois

Hugo De Ranter

Écrit par

Critique lue 411 fois

D'autres avis sur Cruella

Cruella
Om3arbi
3

Cruella aime les Dalmatiens et arrête la clope

Cruella étant mon méchant Disney favori, j’avais beaucoup d'espoir sur ce film et me réjouissais vraiment de voir ce qu'il en était. Finalement, j'ai trouvé le bilan plutôt mitigé … Emma Stone est...

le 1 juin 2021

32 j'aime

13

Cruella
Behind_the_Mask
7

Modes et travaux

Etre méchant sans raison, ce n'est plus possible aujourd'hui. Et il faut donc régresser, souvent à l'âge d'enfant, pour sonder le terreau sur lequel les semences du mal ont été semées. Disney...

le 26 juin 2021

31 j'aime

6

Cruella
MalevolentReviews
3

The de Vil Wears Prada

Alors que l'on pourrait penser que Cruella n'est qu'un nouveau film-live de chez Disney, nous avons pourtant affaire ici à quelque chose de bien plus sérieux, de bien plus alarmant. Nouveau reflet de...

le 13 juin 2021

31 j'aime

Du même critique

Malcolm & Marie
HugoDe_Ranter
8

L'histoire de l'amour

En France, pendant le confinement de mars 2020, des réalisateurs/scénaristes ont eu l'idée de nous pondre des films comme "Connectés", loin d'avoir un grand intérêt. De l'autre côté de l'Atlantique,...

le 8 févr. 2021

2 j'aime

Mississippi Burning
HugoDe_Ranter
8

Les flammes de la haine

Dans les années 1960, le tristement célèbre Ku Klux Klan (KKK) était très/trop actif, s'en prenant aux citoyens américains (essentiellement les afro américains) qui luttaient pour l'exercice de leurs...

le 26 avr. 2021

1 j'aime