D'abord peu excité par le projet lorsque j'ai appris son existence, les critiques positives et quelques visuels m'ont amené à un « pourquoi pas... ». Et je ne regrette vraiment pas, bien qu'un peu frustré tant cela aurait pu être encore mieux. Il faut dire : quand on vous lance avec le génial
« Bloody Well Right » du nom moins génial groupe Supertramp,
ça met dans de bonnes dispositions. D'ailleurs, de ne pas avoir voulu suivre absolument le jeunisme ambiant pour placer l'intrigue dans les 70's est une excellente idée, et que dire de la bande-originale qui va avec :
The Doors, The Zombies, Nina Simone, Ike et Tina Turner, Queen, The Clash...
un régal.
Autre bonne inspiration des studios Disney : avoir choisi Craig Gillespie derrière la caméra, celui-ci se montrant inspiré pour offrir un univers visuel chatoyant, pimpant, correspondant parfaitement à cette période suivant tout juste le « Swinging London ». Voix-off pertinente, intrigue bien posée, un certain mystère, personnages bien définis : ces « origines » de l'une des méchantes les plus emblématiques de Mickey font belle impression.
Seulement, c'est justement là que le bat blesse : cela reste un film Disney. Pour tout vous dire, j'en ai oublié que Cruella était censée être méchante ! Alors OK, qu'elle ne soit pas née méchante, qu'on la mette face à des événements douloureux pour justifier cette transformation, pourquoi pas. Mais justement, elle ne devient JAMAIS méchante ici. Roublarde, vaguement manipulatrice, et encore, toujours pour de bonnes raisons, voire carrément sauver sa peau. Plus grand rapport, donc, avec le personnage découvert dans « Les 101 dalmatiens » puis popularisé par Glenn Close 35 ans plus tard, si ce n'est le look et une propension aux coups d'éclat, offrant quelques moments très réussis (les costumes sont fabuleux).
Il y a, également, une très nette baisse de régime dans la deuxième partie, où l'on sent qu'on a tout donné précédemment et que pour avancer dans l'intrigue, ça patine sévère, les deux compères de notre « méchante » ne marquant pas non plus les esprits (et que dire de Mark Strong dans un troisième rôle sans grande envergure). Heureusement, l'œuvre peut compter sur Emma Thompson dans un registre qu'elle maîtrise sur le bout des doigts : le mépris mondain. Et comme c'est pour être au service d'une méchante particulièrement classe et savoureuse, cela offre une belle opposition avec l'autre Emma, l'actrice de « La La Land » se glissant aisément dans ce rôle de gentil... pardon, garce la mettant constamment en valeur.
Enfin, sans atteindre la ferveur de la première heure, la dernière ligne droite retrouve du mordant pour offrir un final rythmé, sans grande surprise mais bien mené, rappelant (sans doute volontairement) le style des grands films noirs hollywoodien. De la frustration, donc, surtout au vu du potentiel. Mais aussi une vraie satisfaction d'avoir vu une production cédant peu à la mode du moment, professionnelle jusqu'au bout des ongles (voire un peu plus) et respectueuse de (tout) son public : si, en prime, elle permet à la nouvelle génération d'apprendre que la musique (et laquelle!) existait avant leur rap (souvent) immonde, j'en serais ravi.