Entre les frères Dardenne et moi, c'est une histoire compliquée. En général, les frangins, soit on aime tout, soit on aime rien. Et bien pas moi. J'aime « L'Enfant », pas « Rosetta ». J'ai apprécié « Le Silence de Lorna », pas « Le Gamin au vélo ». Je crois tout simplement que cela dépend des sujets qu'ils traitent, ou à la nature qu'ils décident de donner à leurs personnages. Ici, en offrant un récit à forte connotation sociale à travers le monde de l'entreprise, celui d'une femme seule se battant courageusement pour conserver son emploi, je me suis d'emblée concerné, impliqué, et ce ressenti ne m'a jamais quitté. Ça n'est pas une question de mise en scène, mais de relations, de constat, de regards lucides sur une société qui ne va pas bien, où les gens sont obligés de montrer leur plus sombre visage face à des situations qui ne devraient jamais se produire.
Les deux réalisateurs n'excusent pas ces comportements, cette lâcheté, mais ils l'expliquent, la comprennent. Le regard reste intelligent, subtil, à l'image de la prestation fragile de Marion Cotillard qui, l'air de rien, apparaît vraiment crédible dans ce rôle très différent de son registre habituel. J'ai presque fini par voir ce film comme un « thriller engagé », avec un réel suspense, où la « discrétion » technique et visuelle des frères Dardenne s'avère presque salutaire, en tout cas d'une belle sobriété et en harmonie avec l'histoire racontée. Bref, j'ai aimé « Deux jours et une nuit » et ne m'y attendais pas vraiment : une belle satisfaction.