Wahou ! Par où commencer ? Le bon ou le moins bon ? Le réussi ou le raté ? Car à mon sens, les deux sont presque indissociables ici, se « nourrissant » presque l'un de l'autre. Et je l'écris clairement : j'avais envie de voir « DogMan », aussi bien pour le sujet que le retour de Luc Besson quatre ans après le moyen « Anna » (mais loin d'être aussi désastreux qu'on a pu l'écrire à sa sortie).
La première heure est bonne, voire très bonne par moments. Ambiance, construction narrative, personnage central (très) fort : j'avoue que j'étais vraiment sous le charme de ces premières minutes prenantes, intrigantes, donnant vraiment envie de savoir comment notre héros en était arrivé là. Même dans l'écriture, notamment les échanges entre Doug et « sa » psychiatre, cela tient vraiment la route, parfois un peu trop surlignée, explicite, mais ça passe.
Seulement, Besson a lui aussi pensé qu'il était obligé de tenir presque 120 minutes pour être dans les standards actuels de production, et finit par s'enliser sur le long terme. Sous-intrigues dispensables
(celle de l'assureur en tête),
manque de simplicité, impression de vouloir traiter trop de sujets à la fois, si bien qu'on passe un peu à côté de certains points (le relationnel de Doug avec ses chiens, le lieu où il vit, comment il « survit »...), les invraisemblances finissant par se multiplier
(l'affrontement final avec les gangsters, où ces derniers ont à peu près 122 occasions de tuer les chiens mais n'y parviennent jamais)
de façon gênante, y compris dans le rapport au travestissement qu'a le héros (et qui aurait pu être très intéressant).
Étonnantes, également, les nombreuses références à la religion et à Dieu en général, sans qu'on sache vraiment ce qu'elles peuvent signifier dans la tête de son auteur. Maintenant, je trouve ça quand même bien foutu, parfois prenant, jamais lisse. Surtout, Besson a le grand mérite de ne pas laisser indifférent et de nous offrir quelques scènes particulièrement marquantes (le tir à bout portant du père), cette étonnante immersion dans le milieu du
« drag show », sans condescendance aucune (au contraire!) offrant probablement au film ses meilleurs moments, surtout lorsqu'ils sont au rythme d’Édith Piaf, Marlene Dietrich ou Marilyn Monroe.
Et qu'importe si les messages distillés sont rarement d'une grande subtilité : l'auteur de « Léon » parle souvent de lui à travers ce marginal, et alors ? Est-ce si grave que cela ? Enfin, difficile de conclure cette critique sans évoquer l'impressionnante prestation de Caleb Landry Jones, au point qu'on voit difficilement qui d'autre aurait pu l'interpréter : il habite son rôle de bout en bout, jamais ridicule, rendant réellement touchant ce personnage pour le moins ambigu.
À boire et à manger donc dans cette production résolument inégale, où l'ami Luc aborde un sujet auquel il est manifestement sensible (moi aussi), renouant avec ses débuts : maladroit, mais plutôt efficace.