Le cinéma a souvent traité les histoires de rédemption, dans tous les pays et sous toutes ses formes. Enfin, quand je dis sous toutes ses formes ce n’est pas tout à fait juste puisque Jacques Audiard vient d’en inventer une nouvelle : la comédie musicale Sexe, crime et thérapie. On change de sexe, on oublie nos crimes et on se refait une santé morale et une bonne hygiène de vie.

Le salaud qui devient un saint est une très belle histoire, un peu difficile à avaler certes, mais pas plus que l’inverse, c’est-à-dire le saint qui devient un salaud version Abbé Pierre. On ne peut pas en vouloir à Jacques Audiard de nous raconter des histoires qui sont finalement plus belles que la réalité.

Emilia Pérez est une expérience très originale dont les nombreuses qualités recouvrent en partie ses défauts, c’est pour cette raison que certains vont l’adorer et d’autres le détester. Je fais plutôt partie de la première catégorie : j’ai beaucoup aimé ce film tout en étant assez critique sur certains aspects du scénario. Ici le patron d’un cartel mexicain, véritable bête sanguinaire, se transforme en sainte, il change donc de genre mais garde son cerveau primitif, ce qui rend sa rédemption encore plus belle selon Audiard et son scénariste.

La construction est tarabiscotée, les chevrons qui soutiennent l’édifice sont énormes, si vous racontez le film à quelqu’un il va éclater de rire. Oui mais voilà, un élément important vient changer la donne et dynamise le spectacle : la musique. Si Emilia Pérez se rapproche parfois du Dogman de Luc Besson, il s’en éloigne grâce à cet apport musical qui lorgne du côté des films de Jacques Demy avec des dialogues et des monologues chantés.

L’exercice n’est pas totalement convaincant, certaines séquences musicales sont carrément géniales (la visite des hôpitaux, la soirée de bienfaisance), d’autres sont longuettes, voire inutiles (le Karaoké de Séléna Gomez, la visite chez le chirurgien).

Le prix d’interprétation pour les quatre actrices est un acte très cannois, porté par l’adoration démesurée que porte « la grande famille cannoise du cinéma » à Jacques Audiard. Pour moi le prix revient à Zoé Saldana qui crève l’écran dans un rôle où sa polyvalence fait merveille, les autres actrices sont bonnes mais un étage en dessous d’elle.

Emilia Pérez est incontestablement le film à voir en ce moment, le travail de Jacques Audiard mérite d’être jugé loin du Palais des festivals et de ses mondanités surfaites.

Créée

le 13 sept. 2024

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