Non mais t'es sérieux Justin ?
Attend, attend un peu mon petit bonhomme. On est d'accord, quand t'as repris la série des Fast and Furious, tu ne voulais pas forcément donner dans le méta-cinéma. On est d'accord, t'avais pas franchement pour but de titiller Godard et Kubrick sur leurs piédestaux. Bon, mais ça n'excuse rien ce que tu viens de nous sortir là. Ce Fast 6, excuse-moi de te le dire comme ça, sans mettre de gants en latex stérilisés, c'est carrément n'importe quoi.

Pourtant j'aime bien les no-brainer dans le genre. Le Fast and Furious 5 avait même été une petite surprise. Une expérience des plus sympathiques qui ne le plaçait pas trop mal sur l’échelle de Michael Mann (Vous voyez l’échelle de Scoville pour l’intensité de vos piments ? C’est la même chose mais pour la qualité d’un polar-thriller). Justin Lin, notre cher réalisateur avait joué sur des choix plus logiques, moins de bling-bling, la mise à mort définitive du tuning, l’arrivée d’un soupçon de réalisme (OUI on peut tirer un coffre-fort de plusieurs centaines de tonnes à travers les rues de Rio avec sa voiture, faire des millions de dollars de dégâts et être socialement intégré), une caméra maîtrisée qui rendait l'action lisible, un sens de l’esthétique certain, un petit scénario con-con mais qui se suivait facilement et qui arrivait à maintenir l'intérêt pendant les deux heures du machin. Pour celui-là Justin, tu t'en sortais carrément avec les honneurs. T'avais même réussi le tour de force de réconcilier une grosse partie du public avec ta série fétiche (travail déjà bien entamé par le 4 selon certains).
Alors forcément pour ce Fast 6, on pouvait en toute légitimité y aller confiant. On allait retrouver Dominic Toretto et ses potes, qu'on s'en fout de leurs noms donc qu'on appellera "Le blond", "le chinois", "la meuf du blond", "la meuf du chinois" et "les deux blacks". Ca n'est pas bien grave que tes personnages partagent un demi-charisme à être exposés dans les étals d’un marché de gros du bassin d’Arcachon. On ne t’en veut pas non plus d’écrire tes scénarios sur le verso d’une feuille de PQ usagée. Ce n'est pas pour ça qu'on va voir tes films, c'est pour Vin, pour Dwayne aussi depuis peu et pour les scènes de bagnoles jouissives et un peu improbables.

Improbable, voilà un mot, non, un concept que tu dois particulièrement apprécier, Justin. Car là où le bât blesse avec ton Fast 6, c'est justement dans cette improbabilité absolue qui touche à tout ce qui se passe à l'écran. Comme l'impression que cette notion est le vecteur qui porte l'ensemble de ton œuvre vers des sommets de portenawak. Des films sympas mais totalement irréalistes, on est tous d'accord, il y en a des trouzaines. Dernier en date, le très régressif Expendables 2. Sauf que lui, au moins, assume totalement son côté débile et en joue avec la finesse d'une intervention militaire américaine dans un pays du Moyen-Orient. Ça ne le faisait pas ranger dans la case des sélectionnables à Sundance pour autant, mais ça avait le mérite de le rendre tout à fait sympathique et drôle. Un peu comme le pote débile en apparence qu'on a tous, aux blagues biens grasses, mais dont la bonne humeur permanente, sa simple joie candide d'exister et son autodérision nous rend sa compagnie agréable.

Sauf que pour ce Fast and Furious 6, on ne peut même pas se raccrocher à ça. Car l’ensemble pu le premier degré. Car personne ne peut décemment croire ce qu’il voit à l’écran si son dernier bilan psychologique s’est révélé à peu près satisfaisant. Ce qui fait naître de sérieux doutes quant à la santé mentale du réalisateur. Car nous sortir des F1 Mad-Max turbo-diesel dès le début du film, ce n’est pas le meilleur moyen d’introduire le méchant. Car ce méchant justement, on ne sait même pas pourquoi il ambitionne tant de foutre le monde à feu et à sang. C’est dommage parce que l’acteur qui campe l’animal avait une certaine prestance qui seyait pas mal au personnage. Mais le scénariste s’est satisfait de poser juste quelques fondations sans construire par-dessus une histoire qui aurait pu faire passer le scénario dans une dimension supérieure.
Car, je ne sais pas si le réalisateur, toujours lui, a déjà pris l’avion, mais une piste d’aéroport ne peut pas s’étendre sur plusieurs pays à la fois. On sait au moins ce qu’est devenu le mec qui construisait les stades dans Olive et Tom. Il fait des pistes pour les aéroports dans le monde de Fast and Furious.
Car les rodéos urbains avec des cagoles qui boivent du champagne rosé dans une Subaru qui tourne autour d’un rond-point sur deux roues, c’est bon, ça pouvait paraître cool fin 90 voir à la limite au début des années 2000. A la fin de l’ère grunge, lorsqu’on avait tous le besoin d’oublier nos chemises à carreaux trop larges et nos jeans troués. Mais non, en 2013 ce n’est plus possible, ça n’excite plus personne, puisque ça n’existe pas et qu’en 2013 c’est la crise, donc le champagne rosé, c’est un rosé tout court et il vient de chez Liddle, parce que la Subaru reste au garage parce que son turbo la fait trop consommer et qu’elle a été remplacée par une Logan. Et faire du deux-roues avec une Logan dans un rond-point, ce n’est pas plus crédible.

C’est dommage, car hormis les incohérences et les choix douteux voir vulgaires, le film se laisserait très facilement regarder. Justin Lin sait filmer, c’est incontestable. L’utilisation des plans aériens est très intéressante et souvent judicieuse pour rendre les courses-poursuites lisibles et agréables à suivre. On peut quand même lui reprocher sur certaines scènes d'action à pied de se la jouer à la Paul Greengrass. Pour ceux qui ne verraient pas la référence, imaginez Jean-Paul II vers la fin de sa vie. Voilà. Maintenant prenez Mohammed Ali dans son état actuel. Voilà, très bien. Donnez leurs deux caméras-épaule. Demandez leurs de se mettre chacun à au moins….hum…15 mètres de part et d’autre de l’action qu’ils doivent filmer. Demander leurs de zoomer à fond sur la gueule des gars qui se battent. Voilà, ah et vous les mettez sur un rail de travelling aussi pour rendre la chose un peu plus piquante. Maintenant que c’est dans la boite, vous passez en montage, vous vous mettez du Prodigy sur Spotify en fond sonore et vous montez sur le même rythme. Ouais c’est ça l’action moderne ma gueule. Si, aujourd’hui, tu ne provoques pas une moyenne de 14 crises d’épilepsies par séance avec les bastons de ton film, t’as raté ta voie.

Du coup, on se dit qu’on ne nous y reprendra pas. Que c’est la première et dernière fois qu’on va voir un Fast and Furious dans une salle obscur. Et que les 10 euros du Pathé auraient évidemment mieux été investis dans le dernier Sorrentino ou Cohen. Qu’accessoirement, dans mon cinéma de quartier ils m’auraient permis de voir le dernier Cohen ET le dernier Sorrentino. Et puis vient la scène post-générique. La meilleure du film. L’arrivée surprise de la turbo guest-star. La révélation du virage pris par la série et qui lui donne tout d’un coup la tronche d’un Expendables mécanique. Ainsi que le mauvais cliffangher de la fin. On se dit que ne s’y ferait plus prendre à aller voir ce genre de merde. Et pourtant on se surprend à attendre Fast 7.

Comme des cons.
Cym
4
Écrit par

Créée

le 29 mai 2013

Critique lue 675 fois

Cym

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