Fatima par Multipla_Zürn

Le portrait est très réussi, les couleurs qui composent le cadre sont souvent harmonieuses, la lumière belle, les visages gracieux mais pas inertes, etc...
Ce qui m'intéresse le plus, dans ce film, c'est cette tension constante entre ce qui se passe dans le cadre et ce qui se passe ailleurs. Il y a quelques plans où les filles observent quelqu'un, commentant sa tenue ou sa façon de les regarder ; Faucon ne fait pas de contrechamp, il isole les filles ; mais peu à peu les cadres s'ouvrent à ce qui était invisible, les garçons rentrent dans le champ, l'extérieur atteint l'intérieur. Le plus beau, c'est que celle qui initie ce mouvement (d'intégration, pourrait-on dire) n'est pas celle qu'on croit. Fatima a deux filles, l'une est une étudiante brillante, l'autre une lycéenne agitée. Or c'est la lycéenne qui peu à peu ouvre sa famille isolée à l'autre, à la possibilité d'un autre. Tout le monde s'y essaie, mais l'étudiante est trop préoccupée par ses études, et Fatima, la mère, est sans cesse renvoyée à son foulard et à son incapacité à parler français. Le film est à l'image de cette grammaire : on voit peu de portraits qui reflètent avec autant d'intensité le monde, et pourtant le monde est absent la plupart du temps. C'est la tension de son absence qui le rend palpable. Le portrait que Faucon fait de Fatima et de ses filles est celui d'un terrible isolement.