Attention, énorme coup de cœur !


On a dans le sous-genre du film de banlieue la triste habitude de nous dépeindre ces lieux qu'au travers des problèmes que l'on y trouve, ou que ceux qui n'y ont jamais mis les pieds pensent y trouver, les trafics en tous genre, l'opposition constante avec la figure autoritaire de la police, la mainmise des salafistes sur la population et j'en passe. Certains films le font de façon brillante et pas forcément manichéennes, La Haine (1995), Les Misérables (2019) ou le très critiqué mais absolument brillant Athena (2021), mais force est de constater que ces films donnent au final une image assez caricaturale de ces lieux de vie.


En cela voir un film qui se déroule dans une de ces cités source de tant d'apriori et génératrice de clichés éculés et qui décide de s'en affranchir pour nous présenter, peut-être avec une pointe de maladresse, des habitants qui sont tout simplement des gens normaux, des gens simples et pas au choix des dealers, des intégristes ou des galériens fait un bien fou !


Dans la cité Gagarine qui était situé à Ivry sur Seine et qui donne le titre au film, on suit Yuri et ses copains, pour qui a l'instar des autres habitants de la cité, elle représente leur lieu de vie, l'endroit où ils ont grandi, où ils construits leurs vies, leurs amours, forgés leurs souvenirs, ainsi ces ghettos qu'ont tendances à nous décrire les médias sensationnalistes se muent en havre de paix pour ces résidants. C'est leur identité et si le postulat qui a conduit à l'ériger ces cités dans les années 50, sur la base du vivre ensemble a par la force des réalités économiques et différentes crises qu'a connu le pays, pris la forme malheureuse d'une France de l'entre-soi du communautarisme et de l'isolement il n'en est rien pour ces habitants, pour eux c'est encore et toujours le vivre ensemble qui prévaut.


Là-bas pour eux, c'est l'entraide qui compte, c'est l'attention portée aux plus faibles, c'est cette femme qui va aider une autre à remplir des papiers administratifs, ces jeunes qui aident les plus âgés à descendre les escaliers et tant d'autres moments triviaux mais si emplis de la joie d'être ensemble.


Ainsi quand la décision sans appel prise par une commission inhumaine car uniquement administrative de détruire cette cité se fait jour, on voit Yuri accompagné de Diana et Houssam mais aussi de tous les habitants tenter de la sauver. On sait nous comme spectateur que la fin est inéluctable, car cette cité a bel et bien été détruite, on sait donc que le combat est vain mais pourtant le film nous dit que ce n'est pas pour autant qu'il ne faut pas le mener, en cela il adopte une deuxième pensée positive, et c'est je pense ce qui m'a séduit dans ce film la positivité dont il transpire malgré le contexte, malgré les difficultés, malgré les retours brutaux à la réalité.


Mais là où le film aurait pu n'être qu'une peinture sociale, certes se gardant du misérabilisme et du pathos il décide de prendre une route quasiment fantastique en développant en parallèle le rêve d'espace et de voyage en fusée de Yuri, apportant à l'ensemble un peu de merveilleux, d'onirisme et de beauté et de beauté plastique le film dégorge, la mise en scène, mais surtout la photographie et la construction des cadres sont un plaisir de chaque instant, il conjugue béton et poésie avec passion, destruction et lyrisme avec finesse et pour un premier long, les deux cinéastes réalisent à la fois un coup de maîtres tout en sachant garder pour eux la nécessaire humilité qui fait de leur film une réussite en tous points. Bien sûr en y réfléchissant je pourrais trouver et analyser avec cynisme deux ou trois bémols mais je n'en ai pas envie, je préfère garder toute la positivité dont ce film est fait.


Afin d'inciter ceux qui ne l'ont pas vu et qui hésiterait à cause d'un sujet de prime abord trop extérieur, trop clivant, je terminerai en saluant les prestations magistrales de tous les acteurs, les seconds rôles mais surtout les deux protagonistes principaux à savoir Alseni Bathily qui incarne Yuri et qui explose à l'écran et j'ose prédire à ce jeune espoir un avenir brillant dans le cinéma tant son jeu m'a époustouflé que ce soit par sa justesse, son humilité une fois de plus et son efficacité dans la transmission des sentiments qui le traversent, un mot aussi sur sa partenaire et son crush la plus connue mais tout aussi talentueuse Lyna KHOUDRI. Et cerise sur le gâteau Denis LAVANT passe une tête et dès lors cela suffit à m'enchanter.

Spectateur-Lambda
8

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Créée

le 3 déc. 2022

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