"- Je suis un voleur et si je ne m'échappe pas, quelle sorte de voleur suis-je donc?
- Et moi je suis un gendarme et je dois t'attraper!"
Tout le film est construit sur ce jeu du gendarme et du voleur, magistralement interprétés par le grand Toto et par Aldo Fabrizi (le prêtre dans Rome, ville ouverte), encore plus drôle peut-être que Toto dans ce rôle de gendarme bonhomme, généreux, qui se laisse émouvoir à ses dépens par un simple "imbroglione", un petit escroc romain qui essaye de faire vivre sa famille (Monicelli lui a trouvé un "fils" doté d'un nez encore plus long). Comédie sociale qui nous permet de découvrir avec une grande simplicité la Rome populaire de l'après-guerre, ce film puise aussi dans la tradition du burlesque: on se croirait parfois dans un film muet, avec Toto poursuivit sur des kilomètres par un américain arnaqué, un chauffeur de taxi et le policier, mais au lieu d'une course accélérée, Monicelli nous offre un spectacle au ralenti, où des tortues semblent vouloir rattraper une tortue (contrairement à Achille, elles courent aussi lentement que le poursuivi). Cette longue scène nous permet de découvrir une Rome périphérique faite de champs et de cabanes, de poulaillers, de terrains vagues où les jeunes des classes populaires jouent au calcio, avec au fond les barres modernes des logements ouvriers. Cette Rome populaire apparaîtra encore plus proche de la Rome des cartes postales lorsque le policier, ayant réussi à "infiltrer" la famille de Toto, se rend à plusieurs reprises dans un quartier fait de ruines, de terrains vagues encore, de constructions sauvages et de bouts de bicoques anciennes, signes d'une vieille ruralité urbaine: il suffira que la caméra tourne un peu pour que s'élève à nos yeux, à quelques centaines de mètres seulement, l'immense coupole d'une église, la Rome des papes que rien ne sépare encore de l'urbs des classes populaires.
Un bel exemple de comédie à l'italienne. Ici le cinéma italien apparaît comme ce qu'il est sous son meilleur jour: un cinéma propre à lui-même.